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4 – Terminologie du Révélé selon le Coran ; c- le terme qur’ân

Le Coran présente la particularité de s’autodéfinir, ce qui en soi est un indice direct de son caractère unique. Autrement dit, si le Coran avait été un ouvrage comme les autres, il n’aurait point eu besoin de procéder ainsi. Toutefois, cette démarche coranique particulière à une visée organique sans rapport avec le fait qu’il est parfaitement établi que le Coran ne possède aucun antécédent dans la culture arabe du début du 7e siècle. De fait, l’on peut constater que cette autodéfinition coranique porte sur deux axes différents : nature et structure. Premièrement, le Coran fournit nombre d’indications quant à sa nature révélée, non pas tant qu’il s’affirme en tant que tel, ce qui en soi n’est en rien une preuve de son origine, mais bien parce qu’il explicite lui-même les mécanismes présidant au phénomène de révélation proprement dit. Cet aspect de la question a été étudié en notre Théorie de la Révélation selon le Coran. Deuxièmement, le Coran établit sa propre terminologie structurelle laquelle repose sur quatre termes-clefs : âya, sûrat, qur’ân, kitâb, termes dont nous avons jusqu’à présent étudié les deux premiers.[1] Ceux-ci, en résumé, représentent les deux niveaux de base d’organisation du texte coranique : les versets/âyât, eux-mêmes regroupés en sourates/sûrat. Il s’agit en réalité seulement des deux unités fonctionnelles principales puisque l’étude compositionnelle du texte coranique met en évidence la nette division de chaque sourate en Partie, Chapitre, Paragraphe, Alinéa. Par contre, les termes qur’ân et kitâb tels qui sont couramment compris qualifient non plus la structure du Texte, mais deux états de sa présentation globale.

 

I – Le terme qur’ân 

– De l’Alcoran du Moyen-âge au Coran de l’ère moderne, nul doute que l’appellation al–qur’ân n’a au fond jamais été traduite et s’est imposée sous cette forme dans l’ensemble des langues du Monde comme il en fut dans le monde musulman arabophone ou non. Le terme qur’ân a donc été compris par tous comme un nom propre désignant spécifiquement le livre des musulmans. En cela, on nomme le Coran comme on le fait de la Thora, de la Bible ou de l’Évangile. Néanmoins, comme nous allons le constater, l’usage du terme qur’ân par le Coran lui-même est plus complexe que cela et recouvre plusieurs significations.

– Bien que ceci ne soit pas tout à fait exact comme nous allons le montrer ci-après, il est habituel de lire que le terme qur’ân est mentionné à 70 reprises dans le Coran. Soit beaucoup moins que le terme kitâb et ses 261 occurrences, encore que dans une majorité de cas le mot kitâb ait bien d’autres significations coraniques et ne désigne ce que nous appelons le Coran que lorsqu’il signifie « l’Écrit », cf. S2.V2. [2] Rappelons que le terme âya est cité 382 fois et que le terme sûrat n’est quant à lui employé qu’à 10 occasions. Cependant, en arabe tout particulièrement, l’emploi de l’article dit universel « al/le, la, les » ou son absence, « un, une, de, des », distinguent deux cas grammaticaux, mais aussi sémantiques. Ainsi, peut-on constater que les formes déterminées par l’article, al–âya et as–sûrat, ne sont pas présentes dans le texte coranique et que leurs significations ne varient donc pas en fonction de ce critère. Par contre, le terme kitâb se présente sous ces deux formes et selon que l’on ait les formes al–kitâb ou kitâb l’on retrouve des significations différentes.[3] Or, le terme qur’ân est lui aussi mentionné aux deux cas dans le texte coranique : al–qur’ân et qur’ân, ce qui logiquement dessine également deux lignes principales de sens. Une étude précise de la signification du terme qur’ân impose donc de ventiler la recherche en tenant compte de ce critère. Comme nous l’avons indiqué, l’on a coutume de dire en islamologie que le mot Coran est présent 70 fois dans le corpus coranique. Or, cette affirmation est aussi fausse qu’approximative car elle ne tient pas compte de la différence entre les formes al–qur’ân et qur’ân. Certains, plus précis, relèvent alors 58 occurrences de la forme al–qur’ân et 10 de la forme qur’ân. Toutefois, ceci n’est pas non plus exact car, vérification faite, le dictionnaire des termes coraniques de référence[4] a classé par erreur 8 occurrences de la forme qur’ân au sein de la liste des occurrences de la forme al–qur’ân. Il y a donc en réalité 52 occurrences pour la forme déterminée al–qur’ân, puisqu’il convient d’y ajouter les 2 occurrences de qur’âna-hu déterminé par le pronom affixe « hu », et par conséquent 18 occurrences pour la forme indéterminée qur’ân.

II – Définitions du terme qur’ân

– Comme nous venons de le préciser, il convient de distinguer l’emploi différentiel coranique entre al–qur’ân et qur’ân. De manière schématique, l’on peut avancer alors que par al–qur’ân, c.-à-d. lorsque ce terme est un substantif déterminé par l’article « al », est désignée la révélation reçue par le prophète Muhammad, ex. : « En vérité, ce Coran/al–qur’ân guide à ce qui est le plus droit… », S17.V9. Lorsqu’à deux reprises ce substantif est déterminé par le pronom affixe « hu/lui/son/sa  », il a pour sens assemblage ou composition : « Ne l’articule pas en ta langue le hâtant, c’est de Nous que dépendent son agencement et son assemblage/qur’âna-hu et, lorsque Nous l’avons fixé, suis alors sa composition/qur’âna-hu», S75.V16-19, et : « … n’en devance pas l’assemblage/qur’âna-hu avant que n’en soit déterminé pour toi sa révélation et dis : Seigneur accrois-moi en connaissance. », S20.V114.[5] Comme nous le vérifierons infra en notre étude étymologique, les trois significations que nous venons de colliger appartiennent à une même ligne de sens de la racine verbale qara’a.

– Lorsqu’il s’agit de l’emploi dit indéterminé, qur’ân, ce terme a toujours le sens de récitation, ex. : « une récitation/qur’ân que Nous avons répartie afin que tu la récites aux gens dans la durée. Nous le faisons révéler progressivement et graduellement. », S17.V106.

– La ligne distinctive entre l’usage dans le texte coranique des formes déterminées et indéterminées al–qur’ân et qur’ân est pertinente du point de vue de la détermination du sens. De la sorte, si par exemple il a été dit que le Coran se nommerait lui-même en tant que tel pour la première fois en S85.V21-22 : « Mais c’est plutôt un Coran/qur’ânan glorifié », traduction standard, cette affirmation est erronée du fait même de l’indistinction exégétique et islamologique entre ces deux formes. Par contre, dès lors que l’on prend en compte cette donnée, ce verset se comprend nécessairement comme suit : « mais c’est bien une récitation/qur’ânan noble. ».

En fonction de la rigueur sémantique du Coran, nous avons donc pour l’instant mis en évidence quatre significations différentes. S’agissant du maṣdar/nom d’action/substantif déterminé par l’article : al–qur’ân ou sous la forme déterminée par le pronom affixe « hu », le sens est d’une part : “la révélation reçue par le prophète Muhammad” et, d’autre part : assemblage et composition. S’agissant du nom d’action indéterminé qur’ân, le sens est récitation, c.-à-d. la manifestation orale du précédent.

– Cependant, il est indéniable que al–qur’ân est aussi employé comme un nom propre, ex. : « … Promesse véridique Lui incombant dans la Thora, l’Évangile et le Coran/al–qur’ân », S9.V111. L’on déduit sans nul doute de ce verset que al–qur’ân est aussi le nom propre que le Coran se donne lui-même au même titre qu’il en a été pour la Thora/l’enseignement et l’Évangile/la bonne nouvelle, mais aussi pour la Bible/la somme des livres. Si la Thora et la majorité des évangiles étaient à l’origine choses orales avant que d’être écrites, il en fut de même pour le Coran. Ceci a amené à comprendre le nom propre al–qur’ân comme signifiant la Récitation, la majuscule marquant le fait que l’on entend ainsi le plus souvent “la récitation par excellence”, l’article « al » ayant aussi pour fonction de signer l’abstractif et le superlatif. Néanmoins, si l’on observe comme nous venons de le faire la répartition des significations entre al–qur’ân et qur’ân, l’on note alors que la dénomination al–qur’ân concerne la nature de l’objet, à savoir “la révélation reçue par le prophète Muhammad” tandis que le terme qur’ân concerne seulement son usage par les Hommes, à savoir sa récitation. Il en résulte que al–qur’ân ne peut vouloir dire “récitation” ni donc “la Récitation”. Ainsi, puisqu’en tant que nom commun al–qur’ân désigne la révélation faite à Muhammad et en tant que nom propre ce qu’elle est structurellement à l’instar de la Thora et de l’Évangile, nous en déduisons que al–qur’ân signifie aussi le Recueil et nous allons justifier cela par l’étymologie au chapitre suivant. Autrement dit, al–qur’ân/le Recueil est le recueil réunissant l’ensemble des sourates révélées au prophète Muhammad. En comparaison des noms propres donnés aux autres Écritures, al–qur’ân/le Recueil est à la fois enseignement/Thora,[6] bonne nouvelle/évangile/[7] et Bible en ce sens qu’il n’est pas comme elle une somme de différents livres, mais la somme des différentes sourates considérées sous leur aspect oral, mémorisées et récitées.

III – Étymologie du terme qur’ân

– Nous écarterons d’emblée l’étymologie syriaque ou hébraïque que l’islamologie s’est depuis fort longtemps évertuée à relier au terme qur’ân voulant ainsi déconstruire le statut individuel et unique du Coran en le rattachant et l’identifiant à d’autres corpus religieux, chrétiens et talmudiques en l’occurrence. Cependant, aucun de leurs arguments philologiques n’est réellement fondé. En effet, que ce soit le terme syriaque qeryânâ réduit au sens de lectionnaire ou l’hébreu querî’â réduit au sens de récitation, aucune règle de construction du vocabulaire arabe à partir d’emprunts à une langue étrangère ne permet d’expliquer le passage de ces deux formes vers l’arabe qur’ân. Quoi qu’il en soit, les tenants de la thèse syriaque sont nombreux à notre époque et supposent sans sourire que les Arabes n’auraient pas compris le Coran originel qui s’exprimait en l’on ne sait quel trop patois hébro-syro-araméen-arabe et que bien plus tard en l’arabisant ils en auraient déformé et la lettre et le sens. En dehors de ces intentions qui dénotent un parti-pris éloignant d’autant l’islamologie d’une matière scientifique, il est par contre aussi évident que rigoureux de relever que le terme qur’ân en tant que nom d’action de la racine qara’a est bâti sur le schème fu’lan, ce qui est parfaitement régulier, ex. : ghufrân/pardon à partir de la racine ghafara/pardonner. De plus, nous allons constater que les deux axes principaux de sens du terme qur’ân sont recueil et récitation, significations que le terme syriaque qeryânâ et l’hébreu querî’â, quoi qu’on en dise, n’autorisent pas.

– Nous écarterons aussi deux hypothèses classiques retrouvées chez les philologues et les exégètes classiques. La première suppose que qur’ân dériverait de la racine arabe qarana ayant pour sens joindre deux choses l’une à l’autre. Le Coran serait ainsi nommé parce qu’il joint les sourates les unes aux autres, mais cette notion est une interprétation erronée, car qarana en sa forme I indique seulement la jonction d’une paire et non d’un ensemble numériquement plus grand. D’autre part, cela impliquerait en qur’ân l’élision du hamza que l’on devrait donc prononcer qurân ce qui n’est pas la cause, mais la conséquence de cette hypothèse étymologique. La deuxième hypothèse est en quelque sorte par défaut puisque ceux qui la soutinrent affirmèrent que al–qur’ân n’était pas un nom dérivé d’une racine, mais le nom propre, l’appellation, que Dieu lui avait donné Lui-même comme Il l’avait fait pour la Thora et l’Évangile. Ceci dénote à la fois une vision concurrente d’avec les Écritures juives et chrétiennes et une ignorance, réelle ou feinte, de l’histoire de leur rédaction et de leur signification terminologique.

– Ceci étant précisé, la racine arabe qara’a apparaît en tant que telle à 15 reprises dans le Coran et elle y revêt les deux lignes de sens distinctes qui la caractérisent :

– La première. À l’origine, le verbe qara’a signifie rassembler ce qui est épars, réunir des éléments de même nature en un point donné. Par exemple, réunir divers écoulements d’eau en un même réservoir. C’est en fonction de ce champ lexical originel que nous retrouvons dans le Coran l’emploi de qur’ân déterminé par le pronom « hu » au sens d’assemblage et composition. Nous avons précédemment  cité les deux seuls versets ici concernés, S20.V114 et S75.V16-19 : « c’est de Nous que dépendent son agencement et son assemblage/qur’âna-hu et, lorsque Nous l’avons fixé, suis alors sa composition/qur’âna-hu » Signalons que c’est toujours selon cette même logique que par extension qara’a prit aussi pour sens fixer en un point ou un état précis, ce qui explique l’emploi de ce verbe pour désigner la fixation d’un embryon dans l’utérus et conséquemment l’absence de règles/qur’un. Nous en trouvons mention dans le Coran, une seule occurrence : « les femmes ainsi écartées observeront d’elles-mêmes trois cycles menstruels/qurû’un [pluriel de qur’un] »

– La seconde ligne de sens est plus tardive. À partir de la notion première rassembler, assembler, qara’a en vint par extension à signifier réciter, c’est-à-dire rassembler des éléments épars en son esprit, ex. : « Aussi, lorsqu’est récité/qara’a le Coran, prêtez-lui attention et faites silence, puisse-t-il vous être fait miséricorde. », S7.V204. C’est donc en fonction de ce champ lexical que le terme qur’ân prend pour sens récitation, ex. : « En vérité, nous avons entendu une récitation/qur’ân admirable… », S72.V1. Notons que cet emploi de qur’ân était donc connu des Arabes. Nous avons fait observer au chapitre précédent que cette signification n’était retrouvée que pour le terme qur’ân à l’état dit indéterminé, c.-à-d. non déterminé par l’article « al/le ». Par suite, la notion de récitation a amené les sens de déclamer puis proclamer, ex. : « Proclame/qara’a [à l’impératif : iqra’] au nom de ton Seigneur… », S96.V1. C’est encore selon cette même logique que postérieurement qara’a pris pour sens lire. En effet, si l’action de lire suppose un écrit support, nous savons que l’ancienne écriture de l’arabe était défectueuse[8] et ne permettait de déchiffrer un texte que si l’on en connaissait auparavant le contenu, en ces conditions lire était une action proche de réciter, c’est-à-dire connaître par avance et de mémoire le texte. Le sens de lire pour qara’a était lui aussi en usage chez les Arabes antérieurement au Coran, ex. : « … ou que tu grimpes au ciel, encore ne croirons-nous à ta montée que si tu nous en redescends un écrit/kitâb que nous pourrons lire/qara’a », S17.V93.

–  Cette approche étymologique met en évidence le fait suivant : lorsque le Coran emploie la forme indéterminée qur’ân le sens voulu est systématiquement récitation, c.-à-d. conformément au champ lexical de la deuxième ligne de sens du verbe qara’a : réciter, déclamer, proclamer, lire. Par contre, lorsque le Coran emploie la forme déterminée al–qur’ân, sa signification est conforme à la première ligne de sens de qara’a : fixer, assembler, rassembler, recueillir. Il est donc étymologiquement et lexicalement cohérent que par al–qur’ân il faille entendre le recueil lorsqu’il s’agit d’un simple substantif, c.-à-d. le recueil oral de ce qui a été révélé au moment où ce terme est employé dans le texte coranique. Quand le terme al–qur’ân est manifestement un nom propre, il vaut alors pour le Recueil, c.-à-d. le nom que la révélation donne elle-même au recueil de l’ensemble des sourates qui ont été révélées au prophète Muhammad à ce moment-là. En conséquence, al–qur’ân/le Recueil reste lexicalement en rapport avec l’oralité exprimée par la racine qara’a et cette appellation qualifie donc uniquement son aspect oral. Ceci se comprend d’autant mieux que l’autre nom propre auquel il est fait recours : al–kitâb/l’Écrit, qualifie quant à lui l’aspect écrit de la révélation reçue par Muhammad, aspect écrit qui n’est pas l’état présent au décours de cette révélation, mais l’état écrit qu’il prendra postérieurement à la révélation, c.-à-d. bien après le décès du Prophète.[9]

– Nous pouvons déduire de ces conclusions étymologiques que le substantif qur’ân au sens de récitation était un terme parfaitement connu des Arabes au moment coranique. Par contre, l’emploi de al–qur’ân en tant que nom propre désignant le Receuil en tant que somme de l’ensemble des sourates révélées au prophète Muhammad est manifestement un emploi néologique initié par la révélation elle-même.

 

Conclusion

L’on peut considérer que la révélation reçue par Muhammad s’est auto-désignée par l’appellation al–qur’ân dont la signification n’est pas la Récitation, c.-à-d. la récitation par excellence, ce qui au demeurant ne fait guère sens, mais le Recueil. Cet usage n’était pas réellement connu des Arabes auparavant, mais en tant que néologisme coranique il était parfaitement compréhensible. Par al–qur’ân/le Recueil, l’on pouvait ainsi entendre en fonction des champs lexicaux de la racine qara’a la composition, la réunion, l’assemblage, le recueil d’un ensemble de révélations faites progressivement à Muhammad, révélations dont l’unité de base sous cet aspect n’est alors pas le verset/âyat, mais la sourate/sûrat. Ce choix terminologique met en avant le versant oral de la transmission de ces révélations puisque la racine qara’a signifie de même réciter. Nous avons vu à cette occasion que l’emploi du terme qur’ân lorsqu’il est indéterminé par l’absence d’article avait alors une seule signification : récitation. C’est au prochain volet de notre étude que nous envisagerons l’aspect écrit de la transmission qui est caractérisé par l’autodésignation al–kitâb/l’Écrit.[10] Pour al–qur’ân, la définition complète pourrait donc être : le recueil des sourates révélées au prophète Muhammad, sourates qu’il a lui-même enseignées oralement et qui ont été ensuite transmises oralement.

– Cette définition/compréhension a pour conséquence essentielle le fait que l’ordre des sourates à l’intérieur du kitâb/l’Écrit n’a aucune importance. Un recueil de diverses entités littéraires de même nature, tels par exemple des poèmes, n’a pas à nécessairement tenir compte de l’ordre de chacune des pièces le composant. Ceci est d’autant plus vrai s’agissant de al–qur’ân/le Recueil que chaque sourate représente le développement d’un thème particulier, une unité thématique indépendante des autres, mais dont l’ensemble constitue globalement le Message/risâla révélé au Prophète. De plus, s’agissant du volet oral de la transmission dudit Message, chacun sait que lorsqu’on mémorise les sourates du Coran l’ordre d’apprentissage n’a aucune importance, si ce n’est des considérations d’ordre pédagogique. Il en ressort que s’agissant du Coran en tant que Recueil, al–qur’ân, ce n’est point l’ordre des sourates qui importe pour leur conservation et transmission, mais leur nombre. À l’inverse, il en résulte que l’agencement des versets à l’intérieur de chaque sourate est l’élément essentiel de la transmission orale. Nous pouvons conclure des données précédentes que le Prophète n’a donc pas enseigné oralement l’ordre des sourates à l’intérieur du Recueil/al–qur’ân, mais seulement leur nombre et que par contre il a enseigné le nombre et l’ordre des versets composant chacune de ces sourates. Nous en déduisons que lors de l’étape des premières constitutions physiques de l’Écrit/al–kitâb à partir du Recueil oral/al–qur’ân des sourates bien après le décès du Prophète, l’ordre des versets avait été prédéterminé par le Prophète tandis que l’ordre des sourates n’a été que le fruit d’un certain nombre de choix de la part de ces compilateurs. Nous ajouterons qu’en ces conditions l’ordre chronologique de la révélation des sourates du Coran n’a guère l’importance que l’on veut bien lui allouer. Ce sujet ayant un impact direct sur la méthodologie de compréhension du Coran, il fait l’objet d’une étude complémentaire.[11]

Dr al Ajamî

[1] Cf. 4 – Terminologie du Révélé selon le Coran ; a- le terme âya/verset et 4 – Terminologie du Révélé selon le Coran ; b- le terme sûrat/sourate.

[2] Voir : 4 – Terminologie du Révélé selon le Coran ; d- le terme kitâb.

[3] Cf. Le terme kitâb dans le Coran.

[4] Al–mu‘jam al–mufahras li-alfâẓ al–qur’ân al–karîm, Muhammad Fou’âd ‘Abdul–l–Bâqî, Dâr al–ḥadîth, 1987. Cet ouvrage édité pour la première fois en 1939 est la traduction corrigée et complétée du Concordantiæ corani arabicæ ad literarum ordinem et verborum radices diligenter disposuit de Gustav Flügel, Leipzig, 1842.

[5] Ces deux versets portant sur les mécanismes de la révélation sont analysés en notre Théorie de la révélation selon le Coran.

[6] Ex : S7.V9.

[7] Ex : S2.V97.

[8] Elle ne comportait ni points diacritiques ni voyelles, sur ce point voir : Variantes de récitation ou qirâ’ât.

[9] Cf. Le terme kitâb dans le Coran ainsi que Chronologie et agencement du Coran.

[10] Cf. 4 – Terminologie du Révélé selon le Coran ; d- le terme kitâb. Le Coran au sens courant possède donc un double statut que nous qualifions d’oro-scripturaire, il est à la fois chose orale, al–qur’ân, et chose écrite, al–kitâb. Il est donc conjointement un objet immatériel et physique, ce qui en soi représente parfaitement la nature du phénomène de révélation qui permet la transition d’un message immatériel émanant du Monde ontologique de Dieu vers une forme physique propre au monde ontologique des Hommes. Ceci renvoie aussi à l’étude finale de notre Théologie de la Révélation : 5 – La “Parole” de Dieu selon le Coran et en Islam.

[11] Cf. Chronologie et ordre des sourates du Coran.