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L’homosexualité féminine selon le Coran et en Islam

« Ils dirent : Ô Loth ! Nous sommes les émissaires de ton Seigneur, ils ne pourront t’atteindre [c.-à-d. les gens de son peuple qui voulait abuser de ses hôtes : les Anges-émissaires]. Pars avec ta famille durant cette nuit – et qu’aucun d’entre vous ne se détourne – exception faite de ta femme, car elle sera atteinte par ce qui les frappera. L’aube est leur échéance, et l’aube n’est-elle pas proche ! », S11.V82

En l’article consacré à l’Homosexualité selon le Coran et en Islam, nous avons démontré que le Coran condamnait sans ambiguïté aucune l’homosexualité en tant qu’acte contre-nature et transgression relevant des interdits moraux[1] coraniques. Le propos du Coran est explicite : « Viendrez-vous aux mâles/dhukrân de ce monde et délaisserez-vous ce que Dieu a créé pour vous en vos compagnes. Vraiment, vous êtes un peuple de transgresseurs ! », S26.V165-166. La norme voulue par Dieu est donc l’hétérosexualité : « ce que Dieu a créé pour vous en vos compagnes » et l’homosexualité est ici clairement qualifiée de transgression de la norme hétérosexuelle propre à l’espèce humaine : « vraiment, vous êtes un peuple de transgresseurs ». Toutefois, comme ce rappel moral est donné au travers de l’évocation explicite de l’homosexualité du peuple de Loth, il pourrait sembler que cette condamnation ne concernerait que l’homosexualité masculine. Cette lacune présumée a permis à une certaine néo-exégèse inclusive de réactualiser l’idée que le Coran ne considèrerait pas avec la même sévérité l’homosexualité féminine, voire l’innocenterait. Du reste, l’exégèse classique avait aussi été gênée par ce supposé silence coranique et les anciens juristes avaient donc recherché dans le Coran d’autres versets qui auraient traité de ce cas de figure. C’est ainsi qu’avec beaucoup de difficulté le v16 de la « sourate les Femmes » fut incriminé, mais en S4.V15-16 nous avons montré qu’il ne s’agissait là que d’une surinterprétation, non validée par de nombreux exégètes. En réalité, cette situation a été générée du fait que l’Exégèse classique a lu l’ensemble des passages relatifs au peuple de Loth selon la grille de lecture de l’exégèse judaïque et/ou chrétienne et, en l’occurrence, les segments traitant tout particulièrement de la femme de Loth. Ainsi, selon l’Ancien Testament, alors que Sodome allait être détruite, les Anges auraient ordonné à Loth et sa famille de fuir sans se retourner. La femme de Loth aurait malgré tout regardé en arrière et aurait été à ce moment-là transformée en statue de sel pour avoir donc désobéi à l’ordre de Dieu, de la sorte elle n’aurait pas connu le même sort que le peuple de Loth. Or, comme nous allons le constater, le Coran ne reprend pas cette histoire en ces termes et, comme à son accoutumée, propose un contre-récit critique de cette histoire biblique. Par ailleurs, l’on observe que la citation coranique ci-dessus posant comme norme l’hétérosexualité il en ressort que l’homosexualité féminine est tout autant une transgression que l’est l’homosexualité masculine. Aussi, ne pouvons-nous pas envisager que le Coran aurait omis de traiter cet aspect de la question ou l’aurait passé sous silence.

L’analyse littérale des versets mentionnant la femme de Loth met tout d’abord en évidence qu’il ne s’agit pas d’un détail marginal, une anecdote dans un récit central dont Loth et son peuple seraient les acteurs principaux. En effet, la femme de Loth apparaît en neuf passages, soit exactement le même nombre de fois que la mention de l’histoire de Loth, cette équivalence quantitative est nécessairement signifiante.[2] Ensuite, l’on constate que le Coran déconstruit les trois éléments centraux de la version biblique, à savoir : – le fait que la femme de Loth aurait fui avec lui ; – Le fait qu’elle se serait retournée ; – le fait qu’elle aurait été transformée en statue de sel.

1- La femme de Loth n’a pas quitté la cité menacée. Les anges envoyés à Loth lui tinrent le propos suivant, ici donné selon la traduction standard : « Pars avec ta famille à un moment de la nuit. Et que nul d’entre vous ne se retourne en arrière. Exception faite de ta femme », S11.V81. À l’évidence, cette lecture est un calque parfait du récit biblique. Or, ainsi compris, ce verset est incohérent, car, s’il est donné un ordre collectif concernant la famille de Loth : « que nul d’entre vous ne se retourne en arrière », il ne peut pas être dit « exception faite de ta femme »[3] puisque sémantiquement c’eût été ordonner à Loth de faire en sorte que sa femme se retourne. En ce cas, elle n’aurait commis aucune désobéissance et, logiquement, en la poussant à la faute, c’est Loth qui aurait été coupable ! Une compréhension syntaxique bien plus cohérente du texte s’impose donc : Ô Loth, ordonne à ta famille, sauf à ta femme, de quitter la ville. Loth a obéi à l’ordre et, en sa fuite, n’a pas amené sa femme. Ceci est confirmé par un verset qui reprend globalement la séquence : « Pars donc avec ta famille en fin de nuit et suis leurs arrières ; et que nul d’entre vous ne se retourne. Et allez là où on vous le commande », S15.V65, traduction standard. La femme de Loth ne fait donc visiblement pas partie du groupe. Ce qui explique qu’il soit systématiquement dit : « Or, Nous l’avons sauvé, lui et sa famille, sauf sa femme qui fut parmi les exterminés. », S7.V83. Ce qui a sauvé Loth et sa famille est d’avoir fui la cité qui allait être anéantie et, si sa femme « fut parmi les exterminés », c’est bien qu’elle était restée sur place, le châtiment céleste ne s’étant qui plus est abattu que sur la cité de Loth. Nous verrons au point 3 comment la traduction standard, fidèle en cela à l’Exégèse, a improprement, mais intentionnellement, mésinterprété le segment « sauf sa femme qui fut parmi les exterminés ».

2- La femme de Loth ne s’est pas retournée. Pour coller au texte biblique, l’Exégèse a détourné un verbe-clef et a ainsi proposé à plusieurs reprises le segment suivant : « et que nul d’entre vous ne se retourne en arrière », Ex. : S11.V81, traduction standard. Or, le verbe traduit par se retourner en arrière est la forme VIII iltafata qui employée comme ici intransitivement signifie : détourner, se détourner, et non pas se retourner, ce dernier sens n’étant possible que pour la racine verbale lafata. La mention du sens se retourner pour la forme VIII n’est donc due qu’à une réentrée lexicale exégétique. Ajoutons que iltafata signifie aussi au sens figuré : prêter attention, porter un regard bienveillant. Quoi qu’il en soit, puisque nous avons montré que l’ordre donné à Loth par les Anges ne concernait que lui et sa famille à l’exception de sa femme qui n’avait pas pris la fuite avec eux, nous en déduisons automatiquement que puisque la femme de Loth était restée dans la cité elle ne pouvait, contrairement à ce que dit la Bible, s’être “retournée” pour regarder ladite cité. Ceci étant posé, pourquoi a-t-il été demandé à Loth et les siens de ne pas se détourner ? Le verset suivant répond à cette question : « Et quand Nos Anges/rusul vinrent à Loth, il fut affligé pour eux [c.-à-d. son peuple] et se sentit incapable de les protéger. Ils lui dirent : Ne crains rien et ne t’afflige pas… Nous te sauverons ainsi que ta famille, excepté ta femme qui sera parmi ceux qui périront. », S29.V33, traduction standard. En sa bonté, Loth ne souhaite pas la destruction de son peuple, il tergiverse et hésite à quitter la cité. Sans doute aussi lui et sa famille sont-ils atterrés par le fait qu’il lui est annoncé qu’en ces conditions sa femme va périr.  Il lui est donc intimé de ne pas se détourner de l’ordre de départ quand bien même sait-il que cela annonce la destruction de son peuple et de son épouse, le segment-clef se comprend donc ainsi : « …et qu’aucun d’entre vous ne se détourne/iltafata», S11.V81.

3- La femme de Loth n’a pas été transformée en statue de sel. De ce qui précède, il est à présent évident que la femme de Loth n’ayant pas quitté la cité, l’anecdote biblique la montrant se retourner en chemin pour contempler « le déluge de feu et de souffre »[4] ne fait pas sens pour le Coran. Elle ne fut donc pas transformée à cette occasion en statue de sel, mais subit fort logiquement le même sort que les habitants de la cité de Loth, ce que le Coran répète à de nombreuses reprises : « Nous le sauvâmes donc ainsi que sa famille sauf sa femme qui fut au nombre de ceux qui restèrent en arrière. Nous fîmes alors pleuvoir sur eux une pluie [de pierres]. Considère donc ce que fut la fin des coupables. », S7.V83-84. La séquence est explicite : alors que Loth quittera la ville avec sa famille, ce qui les sauvera du châtiment, la femme de Loth, elle, restera sur place et « sera atteinte par ce qui les frappera », S11.V81. Signalons qu’en notre traduction littérale nous rendons le participe présent pluriel al–ghâbirîn par « ceux qui restèrent en arrière », c’est-à-dire le peuple de Loth saisi à l’aube en leur cité. Or, nous l’avions évoqué au point 1, la traduction standard traduit systématiquement ce participe par « les exterminés ». Cependant, ce terme dérivant du verbe ghabara signifiant rester en arrière, celui-ci ne peut être compris que par « ceux qui restèrent en arrière ».  Cette mésinterprétation patente s’explique là encore par le fait que l’Exégèse classique chercha à superposer le propos coranique au récit biblique. En effet, dire que la femme de Loth fut au nombre de « ceux qui restèrent en arrière » implique d’emblée qu’elle n’aurait pas suivi Loth lors de sa fuite et que, comme ses habitants, elle serait demeurée dans la cité, ce que l’Exégèse ne pouvait talmudiquement accepter.

– Nous pouvons à présent poser la question centrale suivante : pour quelle raison la femme de Loth a-t-elle été anéantie avec le peuple de Loth ?

A priori, si la femme de Loth a été détruite de la même manière que le peuple de Loth c’est qu’il lui aurait été reproché le même péché : l’homosexualité. Néanmoins, nous rappellerons en toute rigueur qu’en l’Homosexualité selon le Coran et en Islam nous avons observé que le Coran imputait initialement trois comportements pervers au peuple de Loth, à savoir : 1- l’homosexualité ; 2- le brigandage ; 3- des pratiques de débauche sexuelle. Or, l’analyse littérale a montré que leur châtiment fut en réalité uniquement lié à leur homosexualité. Qu’en est-il de la femme de Loth ?

De manière logique, il est peu vraisemblable qu’à cette époque elle ait pratiqué le brigandage. De même, si la femme de Loth avait participé aux réunions des débauchés, le Coran l’aurait alors accusé d’adultère, ce qui n’est visiblement pas le cas. Rappelons qu’en arabe le terme adultère/zinâ ne vaut qu’entre un homme et une femme. De plus, pour le Coran, la sanction de l’adultère n’est sûrement pas la mort, même à titre exemplatif.[5] Aussi, même cause même effet, c’est avec cohérence que tout comme il en fut pour le peuple de Loth sa femme a été condamnée pour homosexualité et donc « sera atteinte par ce qui les frappera », S11.V81. Son homosexualité est aussi indirectement confirmée par le fait qu’à deux reprises « la femme de Loth » est désignée différemment : « sauf une ‘ajûz parmi ceux qui restèrent en arrière », S26.V171 et S37.V135. De manière notable, l’ensemble des traductions donne au terme ‘ajûz le sens de vielle femme. En cela est encore suivi le récit biblique selon lequel l’on apprend que Loth était âgé[6] et l’on suppose alors qu’il en était de même pour sa femme, en cela il est aussi repris la configuration du couple d’Abraham dont le Coran dit effectivement qu’elle était tout comme lui âgée, c.-à-d. ménopausée/‘ajûzan. Cependant, puisque Loth est le neveu d’Abraham et que d’après le Coran ses filles sont jeunes, car encore à son domicile et non mariées, l’on en déduit que sa femme n’était sûrement pas une vieille femme/‘ajûz. Or, le terme ‘ajûz possède près de 70 significations plus ou moins rattachées à la notion de faiblesse et, notamment celle de vice, défaut. Aussi, nos deux versets doivent-ils être compris et traduits comme suit : « sauf une femme faible/‘ajûz parmi ceux qui restèrent en arrière ». Ainsi, l’homosexualité de la femme de Loth est-elle qualifiée de faiblesse, ce qui pourrait prêter à penser que ce comportement est moins grave que l’homosexualité masculine qui, rappelons-le, a été désignée comme étant la turpitude/al–fâḥisha. Néanmoins, au-delà de la forme, la femme de Loth a subi le même sort que le peuple de Loth coupable d’homosexualité, ce qui donc indique qu’aux yeux du Coran l’homosexualité féminine est tout aussi grave que l’homosexualité masculine. Enfin, nous pourrions ajouter que la destruction de la cité a frappé tous ses habitants, hommes et femmes, ce qui en toute justice suppose donc que l’homosexualité féminine était aussi de règle pour le peuple de Loth. En conclusion, le Coran condamne tout autant l’homosexualité masculine que féminine.

Dr al Ajamî

[1] Sur ce point, voir : Le haram : les interdits moraux selon le Coran, at–taḥrîmât.

[2] S7.V83 ; S11.V81 ; S15.V60 ; S15.V65 ; S26.V171 ; S27.V57 ; S29.V33 ; S37.V135 ; S66.V10.

[3] Ici l’on notera que la traduction standard recourt à une étrange ponctuation du verset destinée à masquer autant que faire se peut cette incohérence.

[4] Genèse XIX ; 25.

[5] Voir : Adultère et fornication selon le Coran et en l’Islam ; S24.V2.

[6] Genèse XIX ; 32.