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La bataille de Badr, entre mythe et réalité

La Bataille de Badr est connue de tout musulman, mais aussi au delà de notre horizon imaginaire collectif. Si l’hégire, l’exil du Prophète Muhammad et de ses premiers fidèles, est considérée comme un moment fondateur, l’épopée de la bataille de Badr l’est tout autant. Cet évènement ayant eu lieu en l’an 2 de l’Hégire marque en effet un tournant dans l’histoire prophétique puisqu’il s’agit de la première confrontation ouverte entre la jeune communauté du Prophète et les forces d’opposition qurayshites. Les musulmans terrasseront miraculeusement leur ennemi militairement supérieur et l’on suppose que si les musulmans avaient été vaincus à cette occasion jamais l’Islam n’aurait survécu à ce coup fatal. Là précisément s’origine le mythe : le triomphe du monothéisme sur le polythéisme, du bien contre le mal, mythe magnifié par la faiblesse numérique des musulmans face à la puissance de Quraysh, en quelque sorte notre David contre Goliath.

Pour autant, il n’y a guère à douter de la réalité des faits, car l’on ne peut rationnellement pas présumer que ce récit aurait été inventé de toutes pièces puisque la construction de l’Histoire de l’Islam aurait pu garder toute la cohérence voulue sans l’existence de ce fait d’armes.  Pour autant, il est tout aussi évident que l’historiographie islamique a amplement brodé la trame initiale et a ainsi forgé la légende, l’abondance même de détails le prouve. Quoi qu’il en soit, le Coran témoigne largement de la Bataille de Badr et, selon notre démarche textualiste, il est une source suffisante, la présente analyse le démontrera. Comme nous le savons et le constaterons à nouveau, l’approche coranique est à l’opposé de celle suivie par les biographies du Prophète, elle ne s’intéresse pas aux détails mais aux causes afin de mettre en lumière les enseignements à en tirer. De fait, la version musulmane de la bataille de Badr procéda à l’inverse et, ce faisant, bascula de la réalité historique vers la fiction mythologique.

Or, en souhaitant magnifier le Prophète et les premiers musulmans, la surabondance narrative a perdu de vue les origines réelles de ce conflit tout en dérivant vers une conceptualisation spéculative. Ce glissement est particulièrement problématique, car il relie intrinsèquement une religion aux fins terrestres et, de la sorte, produit une théologie intimement politique sans que nous ne le percevions vraiment. Ainsi, la victoire de Badr devint-elle l’évènement fondateur d’une théologie de guerre propre à l’Islam : le jihad comme pilier de notre religion. Autre difficulté, selon la version même soutenue par l’Islam, le Prophète aurait lui-même déclenché les hostilités en décidant d’attaquer la caravane qurayshite menée par Abû Sufyân sans autre but que le pillage. Muhammad ne serait alors qu’un pillard, un Bédouin rompu à l’art de la razzia qui n’aurait fait qu’inaugurer la conquête islamique/al–fatḥ. L’Islam n’aurait alors qu’imité son modèle en lui conférant par la suite une dimension systématique et internationale portant le sabre à l’échelle intercontinentale. La lecture de la bataille de Badr n’est en rien anecdotique et pourrait s’avérer être le ferment mythologique de l’idéologie califale du jihad conquérant. En réalité, jihad matérialiste mû par la soif de territoires et de richesses mais que les doctes vivant à la cour des princes s’efforceront de parer des vertus de la religion : ce n’était point là selon eux porter les armes, mais sauver les âmes.

Cependant, pour le Coran l’épisode de Badr, bien qu’important, n’est pas pour autant un évènement fondateur, mais un simple épisode de l’Histoire. Il le commente non pour inscrire le mythe dans le dense flou de nos imaginaires, mais, au contraire, afin de donner une image juste du Prophète et, par contre, souligner à titre exemplatif les travers et les faiblesses de la jeune communauté des croyants. Non pas un appel à la guerre, mais à la paix, mise en garde qui ne sera guère suivie d’effet… De fait, l’analyse littérale du récit de Badr selon la Sourate 8 a eu pour conséquence non attendue de mettre en évidence une version différant radicalement d’avec les points clefs de l’histoire officielle. Afin d’expliciter ces différences et de permettre une meilleure compréhension du propos de cette sourate quant à la bataille de Badr, nous allons dans un premier temps rappeler les faits principaux selon la leçon classique puis nous soulignerons les problèmes de cohérence qu’elle suscite et, par la suite, nous exposerons les faits littéraux par l’intermédiaire de la trame coranique du récit de Badr proposée par la première partie de la Sourate 8 ; al–anfâl : les Surcroîts.

I – L’histoire de Badr selon l’Islam

Ici, les sources sont la Sîra et l’Exégèse. Les évènements se situent en l’an 2 de l’Hégire. Au début du mois de Ramadan, le Prophète apprend qu’une grande caravane chargée de marchandises redescend de Syrie et fera étape à 150 kilomètres au sud-est de Médine, aux puits de Badr. Cette caravane affrétée par Quraysh était dirigée par Abû Sufyân ibn Ḥarb et escortée par seulement quarante cavaliers, dit-on. Les chroniqueurs précisent que cette caravane avait été pour partie financée grâce aux biens spoliés par les Mecquois aux musulmans lorsqu’ils les avaient chassés de La Mecque deux ans plus tôt. Ceci expliquerait que le Prophète aurait pris la décision d’attaquer cette caravane pour, en quelque sorte, récupérer les biens des musulmans qui en avaient été injustement dépossédés, à cette fin il réunit donc quelque trois cents hommes. Abû Sufyân eut vent de cette opération et envoya un messager à La Mecque pour l’en informer. En réponse, les qurayshites levèrent une armée de mille hommes pour se porter à son secours. À son tour, le Prophète fut renseigné au sujet de ces préparatifs et s’en inquiéta ainsi que sa petite troupe mobilisée à l’occasion puisqu’à présent ce n’était plus une caravane qu’il fallait piller, mais l’armée des Mecquois numériquement largement supérieure qu’il allait falloir affronter. Entre temps, pour sécuriser sa caravane Abû Sufyân avait modifié sa route longeant ainsi la côte de la mer Rouge. S’estimant hors de danger, il fit donc savoir aux Mecquois de ne plus venir à sa rescousse, mais ces derniers décidèrent malgré tout de continuer leur expédition militaire afin d’écraser le Prophète et sa petite troupe. Parvenu en premier à Badr, le Prophète décida d’y installer son campement et l’armée qurayshite arriva le lendemain matin. Les deux camps passèrent là une nuit de plus et, le 17 ou le 19 de ce mois de ramadan, l’affrontement eut lieu. Or, grâce à l’intervention miraculeuse de Dieu, il advint que les musulmans triomphèrent des polythéistes mecquois pourtant trois fois plus nombreux. Ainsi rapportée, la victoire de Badr apparaît être un évènement fondateur de l’histoire de l’Islam, le triomphe du bien, l’Islam, sur le mal, tout ce qui n’est pas l’Islam. Nous l’avons souligné, cette décision du Prophète d’ouvrir en premier les hostilités à l’encontre de la puissance qurayshite est considérée comme l’initiation et la justification du jihad offensif permanent au nom de l’Islam.

Nous allons à présent analyser de manière critique la version officielle telle que nous venons de la rappeler. De nombreuses objections logiques peuvent être faites, nous citerons les principales.

II – Approche critique de l’histoire de Badr selon l’Islam

1- Il est matériellement impossible qu’en une quinzaine de jours les informateurs et les messagers signalés en cette histoire aient pu accomplir tous ces allers-retours. Par exemple, entre le moment où Abû Sufyân dépêche un émissaire pour avertir La Mecque que sa caravane était menacée par le Prophète, et la bataille de Badr, il se serait écoulé 15 jours.  Ceci est strictement impossible si l’on considère que cet envoyé dut parcourir plus de 600 kilomètres de désert, que Quraysh dut constituer une armée de mille combattants, que cette armée dut aussi faire le même trajet, grandement ralentie par l’énorme intendance nécessaire. À l’opposé de ce lent déplacement, le Prophète n’eut qu’à parcourir 150 kilomètres depuis Médine pour parvenir à Badr dès qu’il sut que la caravane s’en approchait. Ce problème de cohérence avait sans nul doute été perçu puisqu’il existe plusieurs variantes du récit de Badr qui accommodent des points de chronologie, mais ces opérations furent faites en ordre dispersé et le résultat n’est qu’un surcroît de confusion.

2- Le Prophète aurait décidé de piller cette caravane prétendument parce qu’elle aurait été en partie affrétée avec de l’argent pris aux musulmans quand ils durent fuir La Mecque. Or, ce n’est là qu’un prétexte inventé par les narrateurs, car en réalité aucun verset coranique ne mentionne ce fait, pourtant notable s’il avait été réel. Par contre, l’on peut noter que le v72 de notre sourate 8 s’agissant de l’ensemble des émigrés laisse entendre qu’ils avaient avec eux des biens disponibles : « En vérité, les croyants qui se sont exilés et ont lutté de leurs biens et de leurs personnes pour la cause de Dieu… », S8.V72. Quoi qu’il en soit, cette spoliation aurait eu lieu deux ans avant Badr et, de plus, toutes les sources disent que ces biens n’avaient financé qu’une partie de ladite caravane de 1000 chameaux. Comment donc le Prophète aurait-il pu décider de piller des biens appartenant sans aucun doute à nombre de commerçants mecquois innocents de cette supposée spoliation des musulmans et, ainsi, s’emparer forcément de richesses qui n’appartenaient pas aux musulmans ? Cet acte eût été commettre une injustice pour réparer une injustice, et cela ne peut pas être imputé au comportement de notre Prophète !  D’une part, il est dit dans le Coran « Le Prophète ne peut trahir pour du butin ! Celui qui trahit viendra au Jour de la Résurrection avec ce qu’il a ainsi pris, puis chaque être sera rétribué pour ce qu’il aura acquis, et ils ne seront point lésés. », S3.V161, et d’autre part, l’autorisation de prendre l’initiative du combat et de l’agression n’est en rien coranique. En effet, ce n’est que bien plus tard après Badr que le Coran autorisa le jihad, encore qu’uniquement en situation de défense : « Autorisation est donnée de se défendre à ceux qui sont combattus de façon inique… », S22.V39.[1] Enfin, argument a contrario, si le Prophète avait vraiment attaqué d’autres caravanes qurayshites auparavant comme les sources l’affirment, alors il aurait déjà dû récupérer l’équivalent des biens qui auraient appartenu aux musulmans.

3- Éthiquement donc, le Prophète ne pouvait avoir pris la décision de piller cette caravane. Mais quand bien même aurait-il fait cela, qu’une telle entreprise aurait dû être tenue secrète. Comment donc le Prophète que l’on dit fin stratège aurait-il pu être si peu discret au point que la nouvelle de son projet s’ébruita aisément et parvint rapidement à Abû Sufyân ?

4- S’attaquer aux biens de Quraysh était un risque politique considérable, voire une erreur. Le Prophète était encore en situation fragile à Médine, mais il y avait trouvé un terreau fertile pour son message et, de plus, ses ressources étaient suffisantes : « …Il vous donna refuge, vous assista par Son soutien et vous procura de bonnes choses ; puissiez-vous être reconnaissants », S8.V26. Au demeurant, les sources montrent que les notables de Médine étaient contre ce projet qui ne pouvait amener que des représailles sanglantes de la part des qurayshites et Médine risquait gros à se lancer dans une telle aventure. À bien comprendre la situation, une telle initiative relevait tout simplement du suicide politico-militaire collectif.

5- Si Abû Sufyân lorsqu’il opta pour la piste caravanière côtière s’était estimé hors d’atteinte du Prophète, puisqu’il demanda alors à l’armée de Quraysh d’annuler son expédition, pourquoi n’a-t-il tout simplement pas décidé avant cela de changer de route ? De plus, la côte de la mer Rouge se situe à peine à 25 kilomètres de Badr. En quoi donc cet itinéraire pouvait-il le mettre à l’abri de Muhammad et de sa petite armée alors qu’il aurait suffi au Prophète d’une demi-journée de marche forcée pour le rattraper ! Pourquoi le Prophète dont on prétend qu’il voulait attaquer ladite caravane s’est-il donc arrêté à Badr au lieu de la rechercher plus avant, les pistes caravanières étaient bien connues de tous ?

6- Si l’on suppose que l’ébruitement d’attaquer la caravane était un leurre afin d’obliger Quraysh à lever une armée, le Prophète n’était absolument pas sûr que Quraysh aurait décidé de se mobiliser pour défendre ladite caravane. Nous l’avons dit, il aurait suffi à Abû Sufyân informé précocement de ce plan de dévier son trajet.

7- Si l’armée de Quraysh était comme les sources l’indiquent à trois journées de marche de La Mecque lorsqu’elle reçut le message de Abû Sufyân lui demandant d’annuler l’opération, il est alors matériellement impossible qu’elle ait pu atteindre Badr une journée à peine après que le Prophète y soit parvenu.

III – L’histoire de Badr selon le Coran

La bataille de Badr eut réellement lieu et, même si le Coran n’est pas un livre d’histoire, elle y est expressément mentionnée[2] : « Pourtant, Dieu vous avait secourus à Badr quand vous étiez en position de faiblesse, craignez donc pieusement Dieu ; puissiez-vous être reconnaissants ! », S3.V123. Cependant, l’ensemble des critiques rationnelles que nous venons de présenter montre que si la bataille de Badr fut une réalité, pour autant les causes, les faits et leur déroulement ne purent être tels que décrits classiquement. C’est donc l’analyse littérale de la sourate 8 qui nous servira de fil conducteur pour comprendre ce qui se produisit effectivement tout en déminant l’interprétation soutenue par l’Exégèse destinée à “faire coller” le texte à la version de l’hagiographie musulmane et aux intentions théologico-belliqueuses qui la sous-tendent.

1- Qui décida d’attaquer la caravane des qurayshites ?

– Nous avons vu que le Prophète ne pouvait avoir pris une telle initiative car c’eût été contrevenir à l’enseignement du Coran. Aussi, la sourate 8 pose-t-elle d’emblée que la décision initiale venait de Dieu et non pas du Prophète : « ton Seigneur te fit sortir de ta demeure au nom de la vérité », v5, c.-à-d. pour te lancer dans cette opération contre la caravane de Abû Sufyân. Cette formulation ne traduit pas une réappropriation théologique visant à attribuer in fine les actes humains à Dieu, car, au sujet d’un instant similaire concernant la bataille de Uhud imposée par Quraysh, la formulation diffère : « C’est ainsi que tu quittas de grand matin ta maisonnée pour faire halte avec les croyants aux postes de combat ; et Dieu entend et sait parfaitement. », S3.V121. Dieu est ici explicitement observateur des décisions du Prophète et des croyants. Par contre, l’on déduit de cette différence d’énoncé que, concernant Badr, la décision du Prophète relevait d’une décision préalable de Dieu, ceci est par ailleurs confirmé deux fois : « il fallait que Dieu mette en œuvre un arrêt déjà décrété », v42 et v44. De même, en S3, toujours au sujet de Badr, il a été dit : « tu n’es pour rien en cette décision », v128.

2- L’on note que cette initiative de Dieu est faite « au nom de la vérité », v5, et « Dieu désirait que triomphât la vérité par Ses arrêts », v7. La vérité en question vise une action que Dieu voulut contrecarrer : « et qu’Il réduisît ainsi à néant le mensonge », v8, et cette action est par suite qualifiée ainsi : « vraiment, c’est Dieu qui a réduit à rien le complot des dénégateurs », v18. Le terme complot/kayd indique clairement que « les dénégateurs », contextuellement Quraysh, avaient tendu initialement un piège au Prophète et non le contraire [c.-à-d. que le Prophète aurait à l’origine décidé d’attaquer la caravane de Abû Sufyân]. En effet, il ne fait pas sens de dire que l’armée levée par Quraysh prétendument pour protéger sa caravane aurait été un complot/kayd ou une ruse. Ici apparaît le premier point de rupture historique entre le Coran et la version traditionnelle. Quraysh avait donc tramé un complot destiné à faire tomber le Prophète dans un piège afin de l’éliminer lui et ses fidèles.

3- Quel était le plan de Quraysh ?

– Voici ce que dit le Coran de la cause première des évènements de Badr : « C’est ainsi, vraiment, c’est Dieu qui a réduit à rien le complot des dénégateurs », v18. Le terme complot/kayd qualifie une action programmée secrètement contre un individu, un groupe, une institution. Or, l’on ne peut pas dire si l’on suit la version officielle elle-même que les « dénégateurs » en mobilisant une troupe pour défendre la caravane de Abû Sufyân menacée par le Prophète auraient de la sorte tramé un « complot/kayd » contre Muhammad. Au contraire, les qurayshites n’auraient fait là que défendre légitimement leurs biens en organisant à la hâte une armée pour réagir contre l’attaque du Prophète dont ils avaient été informés, ce n’est donc là en rien un complot/kayd. Par contre, si Muhammad comme l’histoire l’affirme avait secrètement nourri l’initiative d’attaquer la caravane, c’est son plan à l’encontre de ladite caravane qui aurait dû être qualifié de complot/kayd ! Aussi, fort logiquement, si le Coran affirme que Dieu est intervenu pour réduire « à rien le complot des dénégateurs », c’est bien que Quraysh avait élaboré un stratagème contre Muhammad, ce qui impose donc que les évènements ne furent pas tels que la Tradition les décrit. L’analyse du récit coranique non déformée par l’interprétation classique doit nous permettre de comprendre en quoi a consisté le piège tendu à l’avance par les qurayshites : le plan de Quraysh.

– En fonction des éléments communs entre le récit coranique et celui de l’Islam : un complot, une caravane, une armée qurayshite, une bataille au lieu-dit Badr, une victoire des musulmans, l’on peut reconstituer la version cohérente des faits selon ce que nous venons de mettre en évidence et en fonction d’autres indications données par la Sourate 8.

a- Quraysh, comme à l’accoutumée, devait affréter une grande caravane marchande. Ils imaginèrent alors d’utiliser cette caravane tel un appât pour faire sortir le Prophète de son refuge médinois. Ils firent donc courir le bruit de sa valeur et de sa halte prévue avec une faible escorte aux puits de Badr proches de Médine.

b- L’on peut supposer qu’ils missionnèrent des hommes à eux, ou recrutés sur place à Médine, afin de créer un climat de tension destiné à pousser les musulmans à attaquer ladite caravane puisqu’en soi cela n’était pas dans leur habitude. Ceci se déduit de l’introduction de la Sourate 8 : « Ils t’interrogent quant aux surcroîts/al–anfâl. Réponds : Les surcroîts sont à Dieu et au Messager. Craignez donc Dieu pieusement, rétablissez la concorde entre vous et obéissez à Dieu et à Son messager si vous êtes croyants ! », v1. Il y eut donc dispute instrumentalisée au sujet de biens supplémentaires/al–anfâl/les surcroîts[3] dont le Prophète avait bénéficié du fait de son statut privilégié, les hommes de Quraysh n’avaient eu aucune difficulté à faire ainsi jouer les frustrations et les ressentiments. Les musulmans furent alors psychologiquement prêts à se précipiter sur cette caravane pour acquérir eux aussi plus d’aisance. Ils allaient ainsi sans s’en douter se jeter dans la gueule du loup qurayshite.

c- Une fois la mèche allumée, Quraysh prépara une armée afin de prendre par surprise les musulmans lorsqu’ils seraient occupés à piller la caravane. L’on peut ici supposer que “l’armée” qurayshite était certes nombreuse, mais sans doute un peu moins que les historiens musulmans l’ont affirmé par souci d’apologétique. En effet, d’une part, il fallait jouer de l’effet de surprise, et un trop imposant détachement aurait été trop aisément repérable, et d’autre part les qurayshites s’attendaient seulement à affronter une bande de pillards musulmans. Par ailleurs, les qurayshites pouvaient raisonnablement espérer que le Prophète ferait partie de cette expédition, car il était le leader de ces musulmans et, de plus, selon le raisonnement qu’ils suivaient en leur plan, Muhammad pouvait ainsi se blanchir des accusations dont il avait été victime au sujet des surcroîts/al–anfâl de biens dont il avait bénéficié de la part des Médinois, nous l’avons vu.

d- Les qurayshites avaient en quelque sorte fixé eux-mêmes le lieu de rendez-vous : Badr, ainsi que la date puisqu’ils connaissaient parfaitement les déplacements de leurs caravanes. L’armée qurayshite y serait en nombre sans que les musulmans n’aient vu le coup venir, et comme l’opération comprenait tout de même un risque pour la caravane-appât, Quraysh décida d’en confier la direction à Abû Sufyân, un homme habile et aguerri. Notons que selon le calcul de Quraysh la caravane de Abû Sufyân devait elle aussi se trouver nécessairement à Badr afin d’attirer les musulmans précisément là où l’armée qurayshite les attendait en embuscade et, contre la version classique, le Coran l’indique précisément : « Quand vous étiez sur le plus proche versant et eux sur le versant le plus à distance et que la caravane était située en dessous de vous », v42.

 4- Quel était le plan de Dieu ?

– Nous avons vu que le Coran affirme que la décision d’aller attaquer la caravane de Abû Sufyân ne fut pas prise à l’initiative de Muhammad, mais de Dieu : « ton Seigneur te fit sortir de ta demeure au nom de la vérité », v5, et que la notion de « vérité » indiquait que Dieu voulait ainsi déjouer le complot de Quraysh afin « que triomphât la vérité par Ses arrêts », v7. Si Dieu est ici intervenu dans les affaires des hommes, c’est donc que le piège tendu par Quraysh allait sans nul doute se refermer sur le Prophète et les musulmans et leur être fatal. En Sa science « Dieu cernait parfaitement ce qu’ils faisaient », v47, Il prépara alors sa riposte anticipée afin de déjouer le complot mortel des qurayshites. Il décida que ce piège allait en réalité se retourner contre eux, et ce qui a été dit à propos d’une autre machination de Quraysh est en l’occurrence tout aussi valable : « Ils complotaient, mais Dieu également tramait, et Dieu est le meilleur des stratèges », v30.

– Pour ce faire, Dieu révéla ou inspira au Prophète ce qu’était le plan de Quraysh. L’introduction de la Sourate 8 nous apprend qu’Il dut indiquer à Muhammad qu’il devait profiter des troubles que les agents qurayshites avaient semés dans le cœur des musulmans à Médine au sujet des surcroîts/anfâl dont il avait bénéficié. Ceci afin d’amener aisément les musulmans qui réclamaient eux aussi un surcroît de biens à accepter l’idée d’attaquer la caravane de Abû Sufyân : « vous aimiez que ce soit celle sans armes qui soit à vous », v7. Cette manœuvre était nécessaire, car, nous l’avons souligné, une telle entreprise était politiquement à haut risque tant pour les musulmans que pour Médine, ce qui explique du reste qu’une partie de l’entourage de Muhammad refusa de valider ce projet : « ton Seigneur te fit sortir de ta demeure au nom de la vérité alors que certains croyants furent réticents », v5, mais l’âpreté au gain l’emporta comme prévu sur la légitime prudence. Au final, un certain nombre de musulmans s’engagèrent auprès du Prophète afin d’aller attaquer et piller la caravane de Abû Sufyân. Le Prophète avait donc ainsi retourné à son avantage la sédition alimentée par Quraysh, mais, toujours selon les ordres de Dieu, il dut aussi cacher son jeu et ne pas dire aux musulmans que son intention réelle n’était pas d’attaquer ladite caravane, mais de déjouer le complot de Quraysh. La raison de cette attitude est simple : « si vous aviez dû convenir d’une telle rencontre [c.-à-d. affronter Quraysh] vous vous sauriez très certainement opposés sur ce rendez-vous », v42. Ceci laisse penser que, tout comme nous avons supposé que l’armée qurayshite fût moins nombreuse que ce que l’on affirme, ce furent aussi moins de trois cents hommes qui s’engagèrent dans cette entreprise périlleuse et en apparence politiquement mal venue.

– Sur le chemin de Badr, Dieu intervint auprès de Son prophète : « Quand en ton sommeil Dieu te les faisait voir peu nombreux, car s’Il te les avait montrés en grand nombre vous auriez fléchi et contesté l’ordre donné, mais Dieu vous en préserva… », v43. De la sorte, le Prophète fut rassuré et s’inquiéta moins du risque qu’il faisait courir à ses hommes, ce qui le préparait psychologiquement à pouvoir leur dévoiler ce qu’était le véritable but de leur expédition.

– Ainsi, une fois qu’ils furent sans doute assez proches des puits de Badr, le Prophète informa sa troupe de ses intentions réelles : son objectif n’avait jamais été de se saisir de la caravane de Abû Sufyân, mais de suivre le plan de Dieu contre le complot de Quraysh. Celui-ci impliquait qu’au lieu de se laisser attaquer par surprise au moment du pillage de la caravane comme le prévoyait le plan de Quraysh, ils allaient donc devoir affronter l’armée qurayshite en ordre de bataille. Le Coran rend compte de la réaction des musulmans au moment de cette annonce : « Ils disputèrent avec toi contre la vérité après qu’elle leur fut explicitée comme s’il s’était agi de les précipiter vers la mort, ils étaient dans l’expectative… », v6. L’on comprend leurs craintes et leurs déceptions et le Prophète dut alors leur dire « Dieu vous promet qu’une des deux compagnies sera à votre merci, mais vous, vous aimiez que ce soit celle sans armes qui soit à vous [c.-à-d. la caravane] », v7. Puis, comme ils étaient prêts à refuser de s’engager, le Prophète leur transmit cette harangue de la part de Dieu : « Ô croyants ! Obéissez à Dieu et à Son messager et ne vous détournez pas de Lui alors que vous vous efforcez de comprendre ! Ne soyez point comme ceux qui disaient : « Nous avons entendu », mais ils ne comprenaient pas. », vs20-21, et aussi « Ô croyants ! Répondez favorablement à Dieu et au Messager lorsqu’il vous appelle à ce qui vous vivifie. Sachez que Dieu se place entre l’Homme et son cœur et que par-devers Lui vous serez rassemblés. Prémunissez-vous ainsi d’une épreuve qui ne frapperait pas uniquement ceux d’entre vous qui auraient été iniques. Sachez que Dieu est dur en poursuite ! », vs24-25. Enfin, le Prophète leur indiqua que Dieu ne voulait pas leur perte, mais que s’ils étaient fidèles à leur foi Il les aiderait à triompher de l’armée de Quraysh : « Ô croyants ! Si vous craignez pieusement Dieu, Il vous octroiera la victoire, rachètera vos mauvaises actions et vous pardonnera ; Dieu est Détenteur de l’immense grâce », v29, et « ce fut aussi afin de mettre les croyants à belle épreuve de Sa part ; Dieu, certes, entend et sait parfaitement », v17.

– Une fois qu’ils eurent accepté de se plier à la volonté de Dieu, ils parvinrent à Badr et avaient ainsi devancé et la caravane et l’armée de Quraysh. Ils passèrent alors la nuit sur place, à ce sujet il est dit : « Quand Il vous avait plongés en une confiante somnolence de Sa part puis qu’Il fit descendre sur vous du ciel une eau pour vous en purifier et ainsi chasser de vous la trahison venue du Shaytân afin qu’Il fortifie vos cœurs et affermisse de la sorte vos pas. », v11, voir en notre traduction la note au sujet du sens de ce verset.

– Au matin, puisqu’« il fallait que Dieu mette en œuvre un arrêt déjà décrété afin qu’Il fasse périr qui devait succomber manifestement [Quraysh] et qu’Il maintienne en vie qui devait vivre manifestement [les musulmans] », v42, la scène telle que Dieu l’avait prévue était en place : « Quand vous étiez sur le plus proche versant et eux sur le versant le plus à distance et que la caravane était située en dessous de vous… », v42. En réalité, la situation était pour partie identique à celle que Quraysh avait imaginée en son complot : la caravane était bien au rendez-vous à Badr et l’armée qurayshite se tenait sur le « versant le plus à distance », c.-à-d. le premier flanc où l’armée pouvait se dissimuler puisque leur plan prévoyait que lorsque les musulmans seraient occupés à piller la caravane-appât ils les surprendraient pour les massacrer. Cependant, à présent, leur complot était déjoué et l’effet de surprise escompté par Quraysh s’était retourné contre eux puisqu’ils ne s’attendaient pas à cette situation.

– Nous l’avons signalé, selon ce verset la caravane de Abû Sufyân destinée à attirer par convoitise les musulmans dans l’embuscade de Badr y était logiquement présente. Ceci, bien que la version officielle, nous l’avons rappelé, suppose que Abû Sufyân avait dévié sa route et s’était éloigné en longeant la côte. Toutefois, comme par la suite il n’est plus fait mention de ladite caravane, l’on peut donc supposer que lorsque Abû Sufyân a vu comment la situation avait évolué, il a quitté Badr, prenant la fuite avec sa caravane et sauvant ainsi intelligemment ses biens au détriment de son honneur.

– Les musulmans n’allaient donc pas se ruer sur la caravane, mais ils attendirent l’armée qurayshite de pied ferme qui en fut sans doute décontenancée. Chaque camp s’observa, ici Dieu intervint pour changer la donne : « Quand aussi, au moment de la confrontation, Il les fit paraître à vos yeux peu nombreux et, à leurs yeux, vous diminua afin que Dieu mette en œuvre un arrêt déjà décrété, et à Dieu seront ramenées toutes affaires. », v44. Pour stimuler les musulmans face à l’armée de Quraysh, Dieu « les fit paraître à vos yeux peu nombreux », c.-à-d. soit qu’Il modifiât leur perception soit qu’Il fît qu’une partie de l’armée fût encore dissimulée derrière le « versant le plus à distance ». Sémantiquement, au segment « et vous diminua à leurs yeux » le verbe faire paraître n’est pas utilisé en symétrie pour les qurayshites, ce qui amène plutôt à un sens figuré : par orgueil ils prirent les musulmans pour quantité négligeable, jugement présomptueux qui les fit s’engager au combat sans prendre vraiment de précaution ou le temps d’élaborer une stratégie, erreur qui leur fut fatale…

– La bataille de Badr put alors commencer. À vrai dire le Coran ne décrit pas la bataille comme tout chroniqueur l’aurait fait et comme les historiens musulmans se plurent à la dépeindre avec force détails, mais il insiste sur un seul point : la victoire pour les musulmans ne fut possible que de par une intervention miraculeuse de Dieu : « Quand vous imploriez de votre Seigneur le secours et qu’alors Il vous répondit : Je vais vous assister d’un millier d’Anges déferlant. », v9, car « la victoire ne vint que de Dieu ; certes, Dieu est Tout-puissant, infiniment Sage », v10. Il ne s’agit pas d’une action divine qui se serait surajoutée à celle des hommes, mais d’un processus psychologique subtil par lequel Dieu va aider les musulmans à dépasser leurs limites, et pousser les polythéistes mecquois à perdre leur assurance : « Quand ton Seigneur intima aux Anges : Je serai avec vous, raffermissez donc les croyants, Je vais semer l’effroi en le cœur des dénégateurs », v12. De fait, l’interaction entre la “main de Dieu” et la participation active des musulmans au combat est décrite selon un angle théologique : « Cependant, ce n’est point vous qui les avez tués, mais c’est Dieu qui leur a donné la mort. De même, ce n’est point toi qui décochas lorsque tu tiras tes flèches, mais c’est Dieu qui les lança », v17. À l’évidence, cela ne signifie pas que Dieu prit part active au combat au point de se substituer aux hommes, comme il a pu être écrit dans l’Ancien Testament sur la relation guerrière de Dieu et du peuple d’Israël. De même, contrairement à ce l’Exégèse affirme, il ne s’agit pas non plus de dire que chaque action des hommes étant prédéterminée de toute éternité par Dieu et que nos actes ne sont en réalité que l’exécution de préalables décisions de Dieu.[4] Si l’on comprend ce verset sans le décontextualiser, le sens en est clair : c’est Dieu qui a déjoué le complot de Quraysh et a donc organisé cette confrontation selon un plan qui n’était ni celui des qurayshites ni celui des musulmans. Il en est donc le seul responsable et peut ainsi s’attribuer la responsabilité et les conséquences de Sa décision puisque « vraiment, c’est Dieu qui a réduit à rien le complot des dénégateurs. », v18. Par la même occasion, « ce fut aussi afin de mettre les croyants à belle épreuve de Sa part ; Dieu, certes, entend et sait parfaitement », v17. Face à l’hostilité de Quraysh, telle était la finalité du plan de Dieu qui, bien évidemment, a sauvé Son prophète et ses premiers soutiens d’une mort certaine, mais, de plus, pour la première fois en quinze années de prédication muhammadienne a suscité un groupe capable de se défendre contre les agressions physiques dont Dieu savait qu’elles seraient par la suite nombreuses. À ce stade de l’Histoire, il en allait de la survie de l’ultime mission prophétique et du message coranique « Dieu désirait que triomphât la vérité par Ses arrêts. Il coupa à la racine les dénégateurs afin que triomphât la vérité et qu’Il réduisît ainsi à néant le mensonge, quelque aversion en eurent les coupables. », vs7-8.

 

Conclusion

L’analyse littérale de la Sourate 8 al–anfâl/les surcroîts aura fait apparaître une version des évènements de Badr bien différente de celle que l’Islam véhicule depuis plus de mille ans. Non pas que le récit de Badr aurait été déformé au fil du temps du fait de la mémoire des hommes et d’un travail apologétique courant, mais bien qu’une volonté exégétique précise présida à cette réécriture de l’Histoire. En effet, lors de la construction de l’Islam exclusiviste il fut procédé à une reconstruction intentionnelle de ce récit afin d’en faire le point de départ du triomphe des musulmans sur toute forme d’altérité. Le Prophète Muhammad aurait ainsi décidé unilatéralement de passer à l’action et d’ouvrir les hostilités militaires contre les polythéistes mecquois. Par extension, cette surinterprétation des traces textuelles coraniques ancra dans l’imaginaire collectif et les convictions des penseurs musulmans le mythe fondateur historico-mythique d’une politique offensive prétendument légitimée au nom du Coran. Dieu aurait ainsi promis jusqu’à la fin des temps Son soutien aux musulmans engagés dans ce combat belliqueux du bien, l’Islam, contre le mal, le non-islam. Cette conception légitima toutes les conquêtes islamiques et, de nos jours, sert encore à justifier les entreprises mortifères des derniers avatars de cette vision dominatrice et totalitaire du Monde. Par ailleurs, l’on peut se référer à notre introduction de la Sourate 9 pour constater comment le mythe de Badr imposé à la Sourate 8 aura permis de décontextualiser une partie de la Sourate 9 afin d’en modifier la compréhension. Par ce procédé, le jihad offensif aura été institutionnalisé par l’Islam lui-même pour la cause de l’Islam au détriment du jihad défensif pour la cause de Dieu selon le Coran.

Néanmoins, le texte du Coran demeurant, la présentation des faits coraniques par la Sourate 8 ainsi que leur philosophie sont fort différentes. Le Prophète n’y est pas ce pillard de caravane à l’esprit vengeur, mais à la fois l’objet d’un complot mortel tramé par Quraysh et le canal de la riposte divine visant à l’en sauver ainsi que ses premiers fidèles. L’agression initiale provenait des qurayshites qui avaient tendu un piège aux musulmans en les incitant à attaquer à peu de risque la riche caravane dirigée par Abû Sufyân afin de pouvoir alors les surprendre lorsqu’après s’en être emparés ils auraient posé leurs armes pour la piller. Le danger de cette situation était tel qu’il nécessita l’intervention de Dieu pour déjouer ce plan de Quraysh et, par suite, organiser un stratagème destiné tout autant à amener, à leur insu, les musulmans jusqu’à Badr qu’à retourner contre l’armée qurayshite l’effet de surprise escompté. Pour autant, à cause du déséquilibre des forces en présence, il fallut l’assistance miraculeuse de Dieu pour que le Prophète et les musulmans gagnent la bataille. Ce n’est donc point un paradigme offensif et conquérant qui se dessine ici entre les lignes de l’Histoire, mais le paradigme d’une foi confiante et à toute épreuve permettant au croyant, à l’image du Prophète, de ne jamais se désespérer dans l’adversité et de toujours espérer le soutien de Dieu, car « rien d’autre, les croyants sont ceux, dont tremblent les cœurs lorsque Dieu est évoqué, et ceux dont la foi s’accroît quand leur sont récités Ses versets, et qui en leur Seigneur placent toute leur confiance, ceux qui accomplissent la prière et font largesse de ce que Nous leur avons attribué. Ceux-là sont les croyants, véritablement, ils auront de hauts rangs auprès de leur Seigneur ainsi que pardon et généreuse dotation. », vs2-4.

Dr al Ajamî

 

[1] Selon la chronologie traditionnelle, cette sourate est 103e alors que S8 est 88e.

[2] Ceci indique l’importance de cet évènement puisque, le fait est connu, le Coran ne cite jamais ni les noms de lieux ni celui des acteurs. Seule la bataille de Hunayn est aussi nominalement citée.

[3] Voir en S8.V1 notre note et son analyse lexicale et contextuelle du terme anfâl qui ne désigne en rien un butin.

[4] Nous avons remis en cause cette impasse théologique propre à l’Islam en : Destin et Libre arbitre selon le Coran et en Islam.