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Le Coran est-il la source du sexisme de l’Islam ?

Nous avons traité à de multiples reprises de sujets au cœur de la discrimination genrée dont les musulmanes font en Islam l’objet. À dire vrai, toutes les femmes, de tous les horizons – non pas depuis la nuit des temps mais depuis que le pouvoir existe en société – sont victimes de l’oppression ordinaire de la part d’hommes ordinaires. Quant aux femmes musulmanes, elles ont la particularité d’être doublement victimes : de leur statut de femme et de leur statut de croyante.

En regard du Coran, l’Islam a commis un triple détournement de sens, une triple injustice, envers les femmes,[1] envers les esclaves[2] et envers les Gens du Livre.[3] La présente réflexion s’inscrit donc en une double perspective : le combat féministe pour une libération des femmes en Islam et la démonstration de ce que le Coran n’est pas coupable du crime sexiste commis par l’Islam. Toutefois, cette juste lutte féministe revêt divers aspects, des plus sécularisées qui prônent une libération des femmes selon un modèle occidental, au plus religieuses qui, au nom de l’Islam lui-même, souhaitent réformer la situation des musulmanes. Notre proposition est donc de rappeler à ces deux tendances générales que si l’Islam est indubitablement patriarcal, misogyne et inégalitaire, le Coran ne l’est étonnamment pas.

Notre titre : « le Coran est-il la source du sexisme de l’Islam ? » pose d’emblée la nature du lien entre le Coran et l’Islam et, en la matière, jamais la différence entre le Coran et l’Islam n’a été aussi flagrante. Or, nous verrons qu’il est essentiel pour penser juste et utile de bien identifier et, surtout, dissocier ces deux entités : le Coran et l’Islam. Mais que faut-il entendre par Source ? L’Islam, à la différence du judaïsme et du christianisme actuels, se réclame du Coran en tant que religion révélée, en quelque sorte une religion descendue du Ciel, ce que nul historien des religions ne peut valider et ce que la raison ne peut comprendre.

 

– Une source pour trois rivières 

Méthodologiquement et exégétiquement, une question se pose : quel est le lien herméneutique exact entre le Coran-source et l’Islam-religion ? L’image-réponse est la suivante : toute eau de source lorsqu’elle arrive au pied des montagnes sacrées s’offre aux hommes qui, ayant peur de perdre ce précieux don du Ciel, l’apprivoise, mais aussi l’endigue. Les eaux ainsi maîtrisées, comme si elles n’avaient plus de profondeur, sont alors le miroir de nos désirs, miroir qui renvoie sa propre image à celui qui s’y penche. Le premier cercle herméneutique est ainsi fondamentalement narcissique. L’homme n’entend plus la Parole, l’eau murmurer, il y contemple son propre reflet. L’Homme éclaire ce qui devait l’éclairer ! Toute rupture de ce cercle herméneutique primitif est donc une blessure narcissique que nous ne sommes guère enclins à affronter. C’est ce besoin de protection intime de notre être musulman qui explique que nous acceptons confortablement de comprendre le Coran en fonction du paradigme islamique selon lequel l’Islam est le fruit du Coran. Ceci implique qu’en réalité nous lisons le Coran avec les yeux de l’Islam, ce qui constitue le cercle herméneutique islamique. À l’opposé, nous proposons de comprendre le Coran en fonction du paradigme coranique selon lequel Le Coran est le fruit de lui-même. Nous lisons alors le Coran avec ses propres yeux, ce qui constitue le cercle herméneutique coranique. Ce n’est qu’à cette condition de la rupture du cercle herméneutique narcissique et du cercle herméneutique islamique que l’on peut rétablir réellement le Coran en tant que source fondamentale du renouveau de la pensée religieuse. La question est alors : en quoi le Coran lorsqu’il est lu par lui-même peut-il participer à la cause du féminisme islamique ?

 

Sept questions pour un seul Dieu

Quels que soient les camps concernés : orthopraxie, islamisme, islamologie, féminisme islamique, le Coran est sans nul doute la source scripturaire admise par tous, l’argument d’autorité par excellence. Or, si le Coran et l’Islam n’étaient que deux aspects d’un même discours, alors l’on est en droit de se poser et de poser les questions suivantes :

– Si le Coran et l’Islam tiennent le même propos, alors Dieu serait-Il sexiste ?

– Dieu est-Il donc machiste, phallocrate, misogyne, patriarcal ?

– Dieu est-Il un homme, un mâle ?

– Dieu a-t-il alors créé l’homme à son image ?

– Ou bien sont-ce les hommes, les mâles, qui ont refaçonné Dieu à leur propre image ?

– Pourquoi un Dieu mâle, sans Compagne, aurait-il voulu que l’on opprimât les femmes des hommes ?

– Faut-il alors parler de sexisme du Coran ou de sexisme de l’Islam ?

Si à ces questions en tant que croyantes et croyants nous répondons : non, alors nous devons partir du principe que le Coran n’est pas en lui-même sexiste. Nous sommes ainsi dans l’obligation de supposer que seules les interprétations du Coran faites par un Islam sexiste lui donnent en apparence ce caractère.

 

– Sept niveaux d’égalité homme femme

En l’article consacré à l’Égalité homme femme selon le Coran et en Islam, nous avons montré à l’aide d’une série de versets-clefs que contrairement à ce que nous supposons, conditionnés par l’Islam, le Coran établissait clairement l’égalité de genre.  Ainsi le Coran établit-il de manière remarquable sept niveaux d’égalité homme-femme. Étant entendu que l’analyse littérale de ces versets a été réalisée dans l’article susmentionné, nous ne ferons que de brefs rappels.

1- Égalité ontologique :

« Ô Hommes ! Craignez pieusement votre Seigneur, Lui qui vous a créé d’un être/nafs unique/wâḥida dont Il créa son équivalent/zawja-hâ, et qui de ces deux suscite grand nombre d’hommes et de femmes… » S4.V1. L’unicité initiale/wâḥida de l’être/nafs implique que le mot zawj ait ici son sens premier de équivalent. Le terme zawj, tout comme celui d’équivalent, est mixte, ce qui renforce le concept d’égalité ontologique créationnelle de l’homme et de la femme.

2- Égalité de genre :

« À Dieu la royauté des cieux et de la terre, Il crée ce qu’il veut, Il fait don de fille à qui Il veut et fait don de garçon à qui Il veut. », S42.V49. Ceci s’inscrit en faux contre les mœurs des Arabes qui s’honoraient de la naissance d’un nouveau-né mâle et s’affligeaient de la naissance d’une fille : « Lorsqu’on annonce à l’un d’eux une fille, son visage s’assombrit gravement, il suffoque. Il ne veut point laisser apparaître aux gens ce mal que l’on vient de lui annoncer. En gardera-t-il la honte ou devra-t-il l’ensevelir sous terre. Combien est mauvais ce qu’ils pensent ! », S16.V58-59.

3- Égalité intellectuelle :

« …Puis, lorsque tous deux eurent goûté de l’Arbre et qu’ils prirent conscience de leur nudité […] leur Seigneur les interpella : Ne vous avais-je pas à tous deux interdit cet Arbre ? Je vous dis qu’en vérité le Shaytân est, de vous deux, ennemi déclaré ! Tous deux répondirent : Nous nous sommes lésés ! Si Tu ne nous pardonnes pas et ne nous fais pas miséricorde, nous serons très certainement au nombre des perdants ! », S7.V22-23. Le Coran revisite ici le mythe misogyne judéo-chrétien dit de la Genèse. La femme n’est plus la seule coupable et l’éternelle tentatrice. En ce verset, tous deux sont responsables à parts égales de la décision prise et ils en assument conjointement les conséquences. Ainsi, fondamentalement, la Femme n’est pas inférieure à l’Homme en matière de raison, mais elle est son exact similaire.

4- Égalité sociale :

« Les croyants et les croyantes sont soutien intime les uns pour les autres. Ils s’appliquent à ce qui est convenable et s’opposent à ce qui est blâmable, ils accomplissent la prière, font l’aumône, obéissent à Dieu et Son messager. À ceux-là Dieu leur fera miséricorde, Dieu, certes, est Tout-puissant, infiniment Sage. », S9.V71. Est ici manifestement indiquée une parfaite réciprocité de participation des hommes femmes et tous forment une même et unique communauté sociale de participation conjointe et solidaire. Ceci est une base coranique concrètement importante pour le combat des femmes musulmanes.

5- Égalité en foi :

« Mais qui aura œuvré en bien, homme ou femme, en tant que croyant, ceux-là entreront au Paradis, et ils ne seront point lésés d’un iota. », S4.V124.  Cette égalité en foi des hommes et des femmes sous-entend une égalité quant à la pratique de la foi, rien donc en la matière ne devrait distinguer les hommes des femmes. Ce n’est bien évidemment pas le cas en Islam où les hommes détiennent toutes les prérogatives religieuses.

6- Égalité spirituelle :

« Lorsque les Anges dirent : Ô Marie ! En vérité, Dieu t’a élue et purifiée. Il t’a élevée au-dessus des femmes de tous les mondes. Ô Marie ! Dévoue-toi à ton Seigneur, prosterne-toi et incline-toi avec ceux qui s’inclinent. », S3.V42.43. Selon le Coran, Marie est le modèle insurpassable de la réalisation spirituelle. Ceci avant même qu’elle ne fût enceinte de Jésus. La Voie spirituelle féminine est donc hautement célébrée.

7- Égalité eschatologique :

« Seigneur ! Donne-nous ce que tu nous as promis par Tes Messagers et ne nous affliges pas au Jour de la Résurrection, car Tu es Celui qui point ne faillit à sa promesse. Leur Seigneur les a exaucés : Je ne délaisserai pas le moindre acte que vous aurez accompli, homme ou femme, les uns comme les autres… », S3.V194-195. Il découle logiquement des niveaux successifs d’égalité que nous venons d’évoquer qu’hommes et femmes seront égaux au Jour du Jugement. Le seul critère mis en jeu, maintes fois répété dans le Coran, est la prise en compte de ce qu’auront  « accompli, homme ou femme », ce en toute équité et toute égalité.

– Sept inégalités coraniques ?

En les conditions de parfaite égalité hommes femmes que nous venons de rappeler, comment le Coran, alors en pleine contradiction, pourrait-il donc avoir édicté pour l’éternité les sept grandes inégalités que nous allons envisager et, conséquemment, comment le Coran pourrait-il soutenir autant d’injustices à l’encontre des femmes ? Il ne s’agira pas d’une liste exhaustive, mais les points que nous allons examiner sont tout autant des poncifs répétés à l’envi par les franges conservatrices de l’Islam que par le front d’une islamophobie assumée. Bien évidemment, il s’agit aussi d’inégalités majeures au cœur même du combat féministe. Or, nous allons l’entendre, ce n’est pas le Coran qui prône ces inégalités, mais l’interprétation que les hommes de l’Islam, les mâles, ont faite d’un certain nombre de versets-clefs coraniques !

1- Inégalité en matière de témoignage

Cette inégalité est connue de tous : le témoignage de la femme ne vaudrait que la moitié de celui d’un homme ; un seul verset est en cause, verset portant sur la mise par écrit d’une dette/dayn à terme. En l’article intitulé le Témoignage de la femme selon le Coran et en Islam, nous avons démontré que le Coran postule clairement et à trois reprises de l’égalité de l’homme et de la femme en matière de témoignage.[4] Sous faute d’incohérence, le Coran ne peut donc avoir affirmé que le témoignage de la femme ne vaut que la moitié de celui de l’homme, contrairement à ce que l’Islam soutient. De fait, l’analyse littérale de ce verset-clef a montré qu’en réalité il y avait égalité en matière de témoignage entre homme et femme et que la présence souhaitée de deux témoins femmes ne se justifiait qu’à cause des pressions que les hommes de cette époque pouvaient exercer sur les femmes tant leur participation aux affaires économiques voulue par le Coran était contre les usages d’alors. Ce qui était de la part du Coran une mesure de protection des femmes contre l’âpreté aux gains des hommes a été transformé par l’Islam en minoration sexiste de la valeur des femmes !

2- Inégalité en matière d’héritage

Pour l’Islam, l’homme a globalement droit au double de la part attribuée à une femme. Cependant, en l’article l’Héritage des femmes selon le Coran et en Islam nous avons montré que l’Islam pour parvenir à ce résultat profondément inégalitaire avait procédé à une double inversion des mesures coraniques. D’une part, alors que le Coran a institué le legs testamentaire/al–waṣiya comme mesure prioritaire selon laquelle les hommes et les femmes ont potentiellement droit à la même part, l’Islam a priorisé l’héritage à quotes-parts/al–warth ou al–irth procédé qui pour le Coran n’était qu’une mesure destinée à distribuer le reliquat de ce qui n’aurait pas été légué par voie de legs testamentaire/al–waṣiya. D’autre part, alors que pour le Coran le legs testamentaire/al–waṣiya est obligatoire et l’héritage à quotes-parts/al–warth facultatif, l’Islam a inversé cette capitale hiérarchie coranique.

3- Inégalité au sein de couple

Un des phares de l’obscurantisme inégalitaire en Islam est sans nul doute le segment suivant : « ar–rijâlu qawwâmûna ‘alâ–n–nisâ’i », énoncé que les hommes de l’Islam entendent comme signifiant : « les hommes ont autorité sur les femmes », S4.V34. En l’article Frapper les femmes selon le Coran et en Islam, l’analyse littérale a largement démontré que le propos coranique avait pour sens littéral « les hommes ont des responsabilités quant aux femmes en fonction de ce que Dieu favorise certains [hommes] d’entre eux [en moyen de subsistance] par rapport à d’autres [hommes] ». Là encore l’Islam conçu par une culture hautement patriarcale et sexiste s’est opposé au message du Coran.

4- Inégalité en matière de dignité

Nous retrouvons la suite du même verset… elle aussi tristement célèbre. Selon l’Exégèse de l’Islam, le segment en question est compris comme suit : « Et quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d’elles dans leurs lits et frappez-les/wa–ḍribû-hunna. » En l’article Frapper les femmes selon le Coran et en Islam nous avons également apporté la démonstration linguistique de ce que ce segment compris selon le paradigme coranique en son axe égalitaire et respectueux des femmes se comprenait sans peine comme signifiant « Quant à celles dont vous craignez l’impiété manifeste/nushûz, exhortez-les, et délaissez-les en leurs lits, et éloignez-vous d’elles/wa–ḍribû-hunna ». Quoi qu’en dise l’Islam, il n’est donc pas possible de frapper sa femme avec le Coran !

5- Inégalité sexuelle

Le sujet de l’inégalité sexuelle peut être traité par le biais de la polygamie puisque celle-ci est avant tout une manifestation dissymétrique de la sexualité. En l’article la Polygamie selon le Coran et en Islam, l’analyse littérale a mis en évidence plusieurs contradictions et anomalies résultant de la compréhension classique de l’unique verset coranique mis ici en jeu par l’Islam : S4.V1. Ce constat littéral a permis de démontrer que contrairement à l’idée reçue de tous et de toutes, le Coran n’a pas légiféré sur la polygamie en limitant le nombre de coépouses à quatre. Cependant, il a établi en ce verset un parallèle entre l’injustice commise à l’encontre des orphelins par leurs tuteurs et l’injustice que la polygamie représente envers les femmes. Nous avons par ailleurs montré qu’au nom de la justice et de l’équité le propos réel coranique ouvrait la voie à la disparition de la polygamie au profit de la monogamie.

6- Inégalité en matière d’espace public

Ce thème est parfaitement représenté par la manifestation la plus visible du sexisme de l’Islam : le voile. En l’article le Voile selon le Coran et en Islam nous avons démontré que la position de l’Islam n’est pas coranique. En réalité, elle emprunte au sexisme de Paul de Tarse et aux pratiques et conceptions des juifs et des chrétiens. Pour parvenir à imiter ces modèles antiques, l’Islam a surinterprété le bien connu v31 de S24, citons le segment-clef : « et qu’elles rabattent leurs voiles/khumur sur leurs poitrines ». En l’état, l’Exégèse a tout de même été dans l’obligation de forcer le sens en usant de sources non coraniques afin que nous nous imaginions que ledit voile couvrait aussi la tête. En réalité, le propos du Coran est simple et explicite et recommande seulement la chose suivante : « et qu’elles couvrent de leurs étoffes/khumur leurs décolletés/juyûb… » L’objectif textuellement déclaré est donc un rappel de pudeur compréhensible supposant implicitement que les femmes manifestent leur présence publiquement. À l’opposé, le port du voile prescrit par l’Islam est une fiction exégétique destinée à occulter les femmes de l’espace public, celui des hommes.

 7- Inégalité en matière de mariage interreligieux

Le fait est connu de tous et, surtout, de toutes : l’homme musulman peut épouser une juive ou une chrétienne, alors que la femme musulmane reste propriété de l’Islam qui lui interdit tout mariage interreligieux. En l’article le Mariage interreligieux selon le Coran et en Islam, nous avons montré que le Coran ne fixait qu’une seule limite, tant aux hommes qu’aux femmes musulmanes : l’interdiction de mariage avec un ou une polythéiste. Le verset référant est le suivant : « Mais n’épousez pas les polythéistes/mushrikât tant qu’elles n’ont pas adhéré à la foi, une esclave croyante est certes préférable à une polythéiste, ce quand bien même vous enchanterait-elle. Et ne donnez point épouses à des polythéistes/mushrikîn tant qu’ils n’ont pas adhéré à la foi, un esclave croyant est certes préférable à un polythéiste, ce quand bien même vous enchanterait-il. Ceux-là appellent au Feu, alors que Dieu convie au Paradis et au Pardon, de par Sa prévenance, et qu’Il explicite Ses versets aux hommes afin qu’ils puissent s’en rappeler. », S2.V221. Présentement, nous noterons qu’en ce verset volonté et désir de la femme ont même valeur et degré que ceux de l’homme.

Conclusion

À partir de ces quelques exemples paradigmatiques, nous aurons aisément constaté que l’Islam est indubitablement sexiste et que pour ce faire il se réclamait, entre autres, du Coran.  Cependant dès lors que nous comprenons le Coran sans passer par la grille de lecture surimposée et imposée par l’Islam, il apparaît que le Coran était fondamentalement égalitaire et qu’il ne pouvait être considéré comme la source du sexisme en Islam. Resituée dans son contexte historique, cette prise de position coranique : l’égalité vraie entre les hommes et les femmes – si elle ne peut pas être qualifiée de féministe sous peine d’anachronisme – n’en était pas moins révolutionnaire pour son temps. Or, du fait même de son caractère précurseur, le message égalitaire du Coran n’a pas été entendu par les premiers hommes, mâles, de la période post-coranique.

Le Dieu du Coran n’est donc ni machiste, ni misogyne, ni patriarcal et, que l’on soit croyant ou non, force est de constater qu’il existe un réel hiatus, un différentiel, entre le texte coranique et les interprétations que l’Islam en a promues. Ainsi, pouvons-nous affirmer que le Coran n’est pas coupable du crime sexiste de l’Islam ! Néanmoins, qui il y a-t-il d’étonnant à ce que la religion-islam soit sexiste puisque, comme toute religion, l’Islam est le fruit d’une longue élaboration humaine inscrite dans l’Histoire et marquée du sceau des mentalités de ces penseurs et concepteurs. À bien comprendre, ce n’est ni le Coran en lui-même ni l’Islam par lui-même qui sont responsables des injustices faites aux femmes, mais les hommes eux-mêmes. Les références scripturaires ne sont que pré-textes invoqués par les hommes pour justifier leurs injustifiables comportements sexistes.

Nous aurons de même souligné la possibilité et l’intérêt pour la pensée et la lutte féministe islamique de pouvoir sainement s’appuyer sur la source originelle qu’est le Coran, à condition bien sûr qu’il soit compris indépendamment de l’Islam. Il ne s’agit donc pas de combattre le Coran à cause de l’Islam, mais, bien au contraire, de prendre le Coran comme allié en la juste lutte du féminisme dit islamique. Ainsi, la cause des femmes peut-elle et doit-elle se prévaloir de la protection et des encouragements du Coran, l’argument d’autorité par excellence, ne l’oublions pas. Si toute lutte féministe est nécessairement sociale, politique, le combat des féministes en Islam a donc pour particularité d’être aussi un défi exégétique, voire théologique. En cela, notre meilleure arme reste le Coran une fois bien compris, c’est-à-dire pour ce qu’il dit et non pas pour ce que les hommes lui font dire.

Bien que cela puisse sembler une aporie intenable pour les laïcistes et les ultra-séculiers, l’on est en droit d’espérer une libération des femmes par la Révélation. Mais, parce qu’en toute passion il faut savoir raison garder, je voudrais indiquer que les efforts de toutes et de tous ne doivent pas tomber dans le même travers. Ainsi, si incontestablement les mâles exégètes ont interprété le Coran en usant de leur textostérone, la juste cause féministe doit-elle éviter en retour d’interpréter le Coran en mode féministe, c’est-à-dire en réaliser une œstroxégèse !

Enfin, ne peut-on pas espérer que sous les auspices du Coran, musulmanes et musulmans parviennent à trouver un lieu de partage, de fraternisation et de paix. Des réponses apportées il en va de notre humanisme, car, de la dignité des femmes, dépend, en vérité, la dignité des hommes.

Dr al Ajamî

 

[1] Comme nous venons de le signaler, nous avons consacré de nombreux articles à cette essentielle question.

[2] Nous envisagerons prochainement cet épineux sujet.

[3] Voir notamment : La jizya et les dhimmî selon le Coran et en Islam S9.V29 et La Pluralité religieuse selon le Coran et en Islam.

[4] Lors du témoignage requis pour la rédaction du testament ante-mortem/al–waṣiya, S5.V106 et lors de la procédure de séparation entre époux, laquelle doit être faite devant témoins, S65.V2. Rien n’indique en ces deux versets le genre des témoins, ils doivent seulement être tous deux « intègres ». Il en est de même, concernant l’accusation d’adultère lors de la procédure dite du li‘ân. En cette circonstance, le témoignage du mari accusant sa femme d’adultère, S24.V6-5, est exactement équivalent à celui de la femme qui en accuse son mari, S24.V8-9.