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L’impureté, et l’impureté des femmes, selon le Coran et en Islam ; S6.V45, S5.V6, S4.V43, S2.V222

Si en Islam la question de l’impureté est d’ordre général, il n’est pas moins vrai que du point de vue rituel elle concerne sous bien des aspects les femmes, d’où la spécification en notre titre. De manière globale, nous avons déjà abordé ce sujet et mis en évidence que les notions de pureté et d’impureté qui sous-tendent celles de ḥalâl/ḥarâm étaient un calque du concept de pur/tahor et impur/tamé emprunté au judaïsme.[1] Parmi les choses impures, le cas du sang est symboliquement intéressant puisque, offert aux divinités il est pur, mais, s’écoulant de l’être humain, il serait impur. Sans doute faut-il voir là la subsistance d’anciennes craintes, le sang représentant la vie, sa perte évoquant la mort et, dans le cas des règles, l’impureté attribuée à ce sang repose de plus sur une archaïque peur de ce phénomène cyclique inexpliqué. Le cas de l’impureté de la femme ayant ses menstruations est particulièrement important dans le judaïsme ancien et, alors que le christianisme se libérera en apparence de cette conception,[2] l’Islam la reprendra à son compte. Plus fondamentalement, le fait même qu’une femme puisse être à un moment donné de sa vie considérée en état d’impureté laisse malgré tout à penser qu’elle serait alors impure. En effet, qu’une femme ayant ses règles soit interdite d’un certain nombre d’actes rituels qualifie et disqualifie la personne elle-même et non pas seulement son sang menstruel. Du fait de ces tabous et interdictions est ainsi instituée une dysmétrie cultuelle entre l’homme et la femme, situation entérinée par ce propos bien connu, en substance : « la femme est en religion inférieure à l’homme du fait qu’elle ne prie ni ne jeûne durant ses règles ».[3] En quoi les femmes seraient-elles une sous-catégorie de croyants ? ! Au nom de quel principe d’inégalité[4] le Coran soutiendrait-il une telle thèse ? Enfin, en d’autres termes, le Coran a-t-il institué les notions de pureté/impureté rituelle ou a-t-il seulement condamné l’impureté morale et spirituelle et appelé à la recherche d’une pureté de même ordre ?

• Que dit l’Islam

Même si pour l’Islam la pureté est l’état originel de toutes choses, il n’en demeure pas moins certain que le Droit musulman a intégré à la religion la notion d’impureté qui, nous le constaterons, n’est en rien coranique. En cela, il a été manifestement emprunté au judaïsme pour qui les notions de pureté et d’impureté (en hébreu tahara et toumah) réglaient tous les aspects de la vie religieuse. Cette islamisation de la Loi juive s’est traduite par la distinction de deux catégories d’impureté, les impuretés matérielles et les impuretés rituelles. Pour les impuretés matérielles, malgré certaines divergences d’École, sont concernés grosso modo les grands interdits alimentaires : le sang, les bêtes mortes, le porc, le vin, auxquels sont ajoutées toutes les émissions du corps humain, hormis le lait, et des animaux dits impurs par l’Islam. Concernant ce que nous qualifierons d’impuretés rituelles, citons principalement l’impureté de l’homme et de la femme suite à des rapports sexuels et l’impureté de la femme liée au sang menstruel. Pour cette dernière, selon l’Islam cet état d’impureté lui interdit principalement de prier, de jeûner, de toucher le Coran, de séjourner dans une mosquée. Autant de restrictions et interdictions visant la femme menstruée que l’on retrouve à la lettre dans le judaïsme en sa misogynie la plus assumée qu’il soit. La question n’est donc pas de remettre en cause les affirmations de l’Islam, qui en la matière se fonde sur la surinterprétation de quelques versets et, essentiellement, sur des hadîths forgés à partir d’avis talmudiques, mais d’interroger le Coran afin de déterminer s’il existe réellement un ancrage coranique au concept islamique de pureté/ṭahâra et d’impureté/najâsa. C’est donc d’un point de vue théologique que notre réflexion fait sens : que signifient l’impureté et le fait d’être impur ?  En quoi une chose ou un être pourraient-ils être impurs ? Est-ce un état intrinsèque ou une simple construction religieuse, voire une édiction coranique ? Aussi, allons-nous examiner les versets mis en jeu par l’Islam afin d’étayer son propre système juridico-théologique. Dans quelle mesure et en quelles limites, le Coran traite-t-il de ce sujet et, tout particulièrement, existe-t-il des arguments coraniques réduisant l’activité rituelle des femmes et, par voie de conséquence, leur statut de croyantes ?

• Que dit le Coran

1– Concernant les impuretés matérielles, l’Islam se réfère au verset suivant dont nous rappelons la traduction littérale : « Dis : Je ne trouve en ce qui m’a été révélé rien d’autre qui ne soit tabouisé/muḥarraman, quant à ce que tout mangeur mange, si ce n’est la bête trouvée morte, le sang répandu, la viande de porc – car, certes, c’est une infamie/rijs [d’en consommer]  De même est une abomination/fisq [de consommer ce qui est] sacrifié à un autre que Dieu. Quant à celui qui y a été contraint, sans transgresser ni exagérer, alors, certes, Dieu est Tout pardon et Tout miséricorde. », S6.V145.[5] Du point de vue de l’analyse lexicale les termes arabes rijs et fisq ne connotent pas la notion d’impureté. Le premier, rijs, qualifie au sens propre ce qui est sale, souillé, et au sens figuré l’infamie. Le second, fisq, signifie l’immoralité, l’abomination. De plus, du point de vue de l’analyse sémantique, nous avons montré en un précédent article[6] que le qualificatif « rijs/infamie » ne s’applique pas à ces tabous  alimentaires eux-mêmes, mais au fait de les transgresser et que, de même, ce n’était pas les bêtes immolées aux divinités qui étaient une  « abomination/fisq », mais le fait d’en consommer. Il n’y a donc pas en ce verset d’arguments scripturaires justifiant le statut d’impureté des catégories d’aliments tabous cités en ce verset comme en d’autres. En particulier, l’on notera que le sang animal n’y a pas été déclaré impur et qu’il ne s’agit donc pas de la raison justifiant l’interdiction de le consommer. Pour mémoire, nous avions démontré que pour le Coran ces “interdits” étaient très précisément des tabous et qu’il ne fournissait donc pas d’explication justificative de cette tabouisation.

– Concernant l’impureté du vin/khamr, et plus largement celle de l’alcool, avec des divergences sur ce dernier point, le verset mis en référence est le suivant : « Ô croyants ! En vérité, le vin, la divination, les bétyles et les flèches sacrées ne sont qu’une infamie/rijs, œuvre du Shaytân, alors évitez-le/ijtanibû-hu ! Puissiez-vous ainsi connaître la réussite ! », S5.V90.[7] Comme au verset précédent, rien n’indique ici l’impureté du vin/khamr et l’infamie/rijs mise en lien avec l’« œuvre du Shaytân » indique précisément la condamnation morale de tels comportements et habitudes. Nous renvoyons à l’article que nous avons dédié à la question de l’interdiction du vin selon le Coran et en Islam.

– Concernant l’impureté des excrétions, le segment référent est en lien avec les ablutions et la conduite à tenir en cas de rapports sexuels. C’est à partir de l’interprétation forcée d’un verset  que les juristes ont décrété par analogie que l’ensemble des excrétions humaines étaient impures, sauf le lait, et pour cause. En voici la traduction littérale : « Ô vous qui croyez ! Lorsque vous vous apprêtez à prier, alors lavez-vous le visage et les mains jusqu’aux coudes et humectez-vous la tête et les pieds jusqu’aux chevilles. Et, après un rapport/junuban, nettoyez-vous/iṭṭahharû et, si vous êtes malades ou en voyage ou que l’un de vous revient du lieu d’aisance ou que vous ayez “caressé” femme, mais que vous ne trouviez point d’eau, alors ayez-en l’intention en recourant à un sol propre dont vous toucherez votre visage et vos mains. Dieu ne veut point vous imposer quelque gêne, mais Il veut vous purifier et parfaire Sa grâce à votre égard ; puissiez-vous être reconnaissant ! », S5.V6.[8] Pour l’analyse littérale des éléments qui en ce verset définissent les ablutions, nous renvoyons à l’article dédié : Les ablutions selon le Coran et en Islam.

– Le segment qui pour l’Islam concerne directement la notion d’impureté est le suivant : « et, après un rapport, nettoyez-vous.» La traduction standard exprime la surinterprétation défendue par l’Islam : « et si vous êtes pollués « junub », alors purifiez-vous (par un bain) », et d’autres traductions sont encore plus explicites : « si vous êtes en état d’impureté majeure légale/junub, procédez alors à une purification (rituelle totale)  ».[9] L’analyse lexicale est ici essentielle, car pour parvenir à ses fins,  l’Exégèse a manipulé deux termes-clefs : le mot junub et le verbe iṭṭahhara. Le nom junub est dérivé de la racine janaba qui signifie se mettre à l’écart, éloigner sur le coté, éviter, s’écarter, etc. Logiquement junub signifie donc côté, flanc, voisin proche, éloignement, retrait, rien qui étymologiquement n’est en rapport avec le sens que l’exégèse juridique lui a conféré : être en état d’impureté majeure légale ! Du reste, l’on peut lire parfois dans les exégèses que junub a cette signification du fait que c’est un état qui éloigne de la prière ! La faiblesse de l’argument indique en soi que le sens attribué à junub ne repose que sur un arbitraire orienté. Or, il suffit d’examiner le Coran pour vérifier que les nombreuses occurrences du verbe janaba, de ses dérivés et du terme junub sont toujours conformes au champ lexical que nous avons rappelé.[10] Il n’y aurait donc qu’en ce verset, S5.V6, et en S4.V43 qui en est proche et que nous allons aussi examiner, que junub aurait subitement pris une étrange signification juridique. Cependant, comme admettre que les Arabes auraient employé un terme pour désigner une notion qui leur était inconnue : l’impureté légale ![11] Si l’on reste dans les limites véritables de la langue arabe préislamique, le syntagme coranique in kuntu junuban est un euphémisme signifiant mot à mot « quand vous êtes sur le coté, ou le flanc » et évoquant prudemment l’idée de s’être retiré à la fin d’un rapport sexuel et d’être alors couché sur le flanc, d’où notre « après un rapport » que l’aurait pu aussi rendre par « après vous être retirés ». Notons en ce verset l’emploi d’un autre euphémisme pour exprimer l’idée de rapports sexuels : « ou que vous ayez “caressé” femme », cette expression plus explicite confirme la première. Ceci étant précisé, l’Exégèse a donc modifié le sens de junub a qui elle a artificiellement conféré le sens d’impureté uniquement pour l’accorder à l’idée qu’elle voulut mettre en place quant au deuxième terme-clef, le verbe iṭṭahhara. Ce dernier est la forme V de la racine ahara dont la signification première est éloigner, écarter, être propre, être non souillé, et qui au sens figuré seulement signifie se purifier moralement ou spirituellement, c’est-à-dire en se tenant éloigné de ce qui salit les comportements et l’âme. Or, l’Exégèse a fortement investi la racine ahara et toutes ses dérivées afin de lui attribuer le sens de se purifier, être purifié au sens concret et légal lié à un processus de purification. Bien évidemment, tout comme pour le terme junub, le recours aux dictionnaires de la langue arabe ne sera ici d’aucuns secours car tous témoignent massivement de cette prise en charge lexicale due à l’Exégèse ; sur ce phénomène et ses conséquences méthodologiques, voir : Les réentrées lexicales. Cette remise en cause de ce qui semble être une évidence terminologique n’est pas une spéculation personnelle, mais une certitude tirée du Coran. En effet, ce dernier va commenter lui-même le sens de la forme V iṭṭahhara en un contexte rigoureusement identique : « Ô croyants ! N’approchez pas de la prière alors que vous êtes ivres jusqu’à ce que vous sachiez ce que vous dites. Et, de même, après un rapport/junuban – sauf à qui est en voyage – jusqu’à ce que vous vous soyez nettoyés/taghtasilû. Et si vous êtes malades ou en voyage, ou que l’un de vous revient du lieu d’aisance, ou que vous ayez “caressé” femme, mais que vous ne trouviez point d’eau, alors ayez-en l’intention en recourant à un sol propre dont vous toucherez votre visage et vos mains…», S4.V43.[12]  Ce verset reprend en un contexte légèrement différent une partie du sujet traité précédemment et l’on peut ainsi constater que le segment de S5.V6 « et après un rapport/junuban, nettoyez-vous/iṭṭahharû » a pour exact correspondant « après un rapport/junuban jusqu’à ce que vous vous soyez nettoyés/taghtasilû », S4.V43. Le Coran donne donc pour synonyme de la forme iṭṭahhara en S5.V6 le verbe ightasala en S4.V43 lequel signifie sans équivoque lexicale possible se laver avec application, se nettoyer. Ceci confirme donc que le verbe iṭṭahhara ne signifie pas pour le Coran se purifier ou, pire, « prendre un bain rituel », comme le risque ici la traduction standard, mais tout simplement se nettoyer. Aussi,  puisqu’il ne s’agit pas de se purifier mais de se laver, ceci confirme que le terme junub ne peut pas signifier être en état d’impureté, ou être impur, et que son sens premier est bien ici selon le Coran s’écarter après un rapport.

– Les sécrétions coïtales masculines et féminines ne sont donc pas selon le Coran impures, mais seulement des émissions qu’il faut laver pour être propre. Précisément, le lavage en question ne concerne que les parties génitales ou celles atteintes par les sécrétions sexuelles « après un rapport/junuban ». La notion de bain de purification rituelle/ghusl de tout le corps destiné à se purifier n’est donc pas coranique. En quoi du reste nous faudrait-il admettre qu’avoir des rapports sexuels rendrait impur ! L’on notera de plus que l’emploi de l’expression euphémistique « après un rapport/junuban » construite sur l’emploi du terme junuban indique dans ce contexte le moment où le couple vient d’achever son rapport sexuel et permet de comprendre que ledit lavage est à réaliser dans les suites immédiates de ce rapport. Ceci est confirmé par l’analyse des segments relatifs aux ablutions montrant que si on ne peut réaliser ce nettoyage à ce moment-là faute d’eau, il faudra le faire avec de la terre ou autres lavages secs. [13] Que l’Islam ait voulu forcer ces versets du Coran pour instituer après les rapports sexuels la pratique d’un bain rituel de tout le corps dit ghusl est donc sans lien avec la demande coranique consistant à cette occasion de se nettoyer, simple mesure d’hygiène, position logique que l’on retrouve du reste au sujet « du lieu d’aisance ».[14] Par contre, il est évident que le bain rituel de purification dit ghusl en Islam est en rapport direct avec la pratique dite du Mikvé dans le judaïsme.[15] Ce rapprochement a été opéré par l’Islam qui a fait sienne l’idée que les rapports sexuels  tout comme les menstrues rendaient impur, nous allons le vérifier.

Au final, pour parvenir à faire accepter au Coran cet emprunt, nous aurons constaté que l’Islam a amplement forcé le sens des termes junub et iṭṭahhara et que les lexiques de langue arabe en ont aussi été modifiés. Du point de vue coranique, rien en ces deux versets ne postule de la notion d’impureté et, par voie de conséquence, de pureté légale au sens que l’Islam le conçoit. À titre de confirmation supplémentaire, nous signalerons que S5.V6 fait effectivement référence à la notion de purification : « Dieu ne veut point vous imposer quelque gêne, mais Il veut vous purifier ». Ici ce n’est plus le verbe iṭṭahhara/ightasala qui est employé, mais la forme II ahhara qui manifestement est à comprendre au sens figuré de purification morale ou spirituelle, ce du reste conformément à l’usage de l’arabe antérieurement à l’investissement lexical réalisé par le Droit islamique. Selon le Coran, purification et donc pureté ne s’entendent qu’au sens figuré et, présentement, la preuve en est donnée par la pratique du tayammum, fonction symbolique de substitution quant aux ablutions, cf. Les ablutions selon le Coran et en Islam.

2– Concernant les impuretés rituelles, le verset principal est en rapport avec les règles et l’état d’impureté que l’on suppose alors aux femmes. En voici la traduction standard : « Et ils t’interrogent sur la menstruation des femmes. – Dis : « C’est un mal/adhâ. Éloignez-vous donc des femmes pendant les menstrues, et ne les approchez que quand elles sont pures/yahurna. Quand elles se sont purifiées/taahharna, alors cohabitez avec elles suivant les prescriptions d’Allah car Allah aime ceux qui se repentent, et Il aime ceux qui se purifient. », S2.V222. Tout comme pour les versets précédents, l’Exégèse a interprété ce verset dans le sens qu’elle désirait, à savoir : les menstrues sont impures et entraînent un état d’impureté nécessitant une purification, croyance archaïque directement là encore empruntée au judaïsme. Pour ce faire, il a été à nouveau dévié le sens de la racine ahara/yathurna et de la forme V iṭṭahhara/taahharna à qui l’on a attribué pour la première le sens de « être pures » et pour la seconde le sens de « se purifier ». D’une part, nous avons vu que le Coran donnait à iṭṭahhara le sens de se nettoyer et, d’autre part, nous rappelons que la racine ahara avant sa prise en charge lexicale par l’Exégèse a en réalité pour sens éloigner, écarter, être propre, être non souillé, ce qui s’agissant des menstrues périodiques signifie être dans la période où elles [les règles] sont écartées, autrement dit ne pas avoir ses règles. Ainsi, il n’y a aucune difficulté à comprendre en ce verset le propos coranique dont voici la traduction littérale : « Ils t’interrogent quant aux règles. Réponds : « C’est une indisposition/adhâ. Écartez-vous donc des femmes durant les règles et ne les approchez qu’une fois qu’elles ne les ont plus/yahurna. Et, lorsqu’elles se sont nettoyées/taahharna,[16] venez à elles comme Dieu vous l’a ordonné. » Certes, Dieu aime ceux qui se repentent et Il aime ceux qui se purifient/al–muahhirîn. » Du point de vue de l’analyse sémantique,  l’on constate qu’étant entendu que le segment « c’est une indisposition/adhâ » est la réponse directe à la question évoquée : « ils t’interrogent quant aux règles » il est déterminant quant à la qualification des dites règles. Or, quelles que soient les significations du terme-clef adhâ : mal, dommage, tort, d’où notre « indisposition », aucune n’évoque la notion d’impureté. Si donc le Coran avait dû décréter que les menstrues étaient une impureté, c’est en cette réponse qu’il l’aurait fait et ce n’est manifestement pas le cas. Cette observation suffit en elle-même à affirmer que pour le Coran les règles ne sont pas une impureté pas plus qu’elles n’entraînent un état d’impureté, physique ou légale. Ainsi, qualifier les menstrues d’indisposition/adhâ ne fait pas de cet écoulement sanguin une impureté, mais est destiné à souligner que la gêne occasionnée par les règles est la cause de l’interdiction de rapports sexuels durant cette période. L’approche coranique est donc basée sur une compréhension saine de ce phénomène et non sur l’ensemble des croyances et superstitions que la tradition populaire avait rattachées à ce mécanisme physiologique incompris. Comme en S5.V6, l’on retrouve toutefois la mention de la purification au sens moral, sauf qu’à l’évidence le pluriel muahhirîn/ceux qui se purifient concerne ici non pas les femmes – qui n’ont pas à se purifier d’un état d’impureté que le Coran ne leur attribue pas – mais les hommes. En effet, puisqu’il est tout d’abord dit « ceux qui se repentent », c’est donc que les Arabes avaient pour habitude d’avoir des rapports sexuels durant les menstrues[17] et qu’il leur est demandé à présent de cesser cette pratique et de rechercher ainsi une purification morale par l’obéissance à cette mesure divine. Cette obéissance est le sujet du rappel formulé par le segment « comme Dieu vous l’a ordonné » et non une allusion à certaines pratiques sexuelles que le Coran aurait autorisées ou interdites. Le Coran ne se mêle pas de la sexualité des hommes et des femmes, mais l’Islam, comme toute religion, aime à gérer jusqu’à l’intimité des couples… Les menstrues ne sont donc pour le Coran qu’un phénomène physiologique occasionnant aux femmes une certaine gêne justifiant que l’on ne les “approche” pas durant cette période, mais,  en aucun cas, le Coran confère aux règles une quelconque notion d’impureté. Ce paradigme coranique a donc nécessairement des implications directes en matière de pratiques rituelles :

a- Les menstrues et le jeûne. Puisque le Coran ne reconnaît pas de statut d’impureté en aucune sorte et, en particulier, lors des règles, il est donc cohérent qu’il n’envisage pas le concept de pureté rituelle et celui d’impureté légale, associations de termes qui en soi n’ont d’ailleurs aucun sens, mais notions juridico-religieuses qui imposeraient aux femmes des périodes où elles seraient interdites d’adoration rituelle au nom d’une prétendue impureté. Aussi, avions-nous déjà observé à propos du jeûne que le Coran ne mentionnait pas le cas des règles et que rien n’interdisait de jeûner en cette situation. cf.  Le jeûne de Ramadan selon le Coran et en Islam. Toutefois, l’on déduit de cette particularité et de la qualification dindisposition/adhâ des menstrues que si une femme ayant ses règles est affaiblie ou que son état de santé en est affecté elle peut alors considérer qu’il s’agit là d’une maladie et donc reporter son jeûne en « des jours autres », S2.V184-185. Bien évidemment, nous sommes conscient que le point de vue coranique s’oppose ici frontalement à celui de l’Islam et, plus encore, à ce qui en la matière nous a intimement construit.

b- Les menstrues et la prière. En vertu de ce qui précède, nous comprenons que le Coran n’ait jamais indiqué qu’une femme ayant ses règles ne devait pas prier, cf. La prière selon le Coran.  Rappelons-le, cette restriction-exclusion au nom d’une impureté imputée à la femme à cette occasion est directement empruntée au judaïsme. Là encore, la position coranique est déroutante, car elle remet en cause notre relation à la religion, au sacré, à l’adoration et à Dieu. À bien y réfléchir, notre conception du rapport entre les menstrues la pureté et le sacré est purement culturel et religieux.[18] Il ne repose sur aucune vérité intangible et, si la perception de soi, du monde et de notre être au monde n’est que constructions, ce n’est pas pour autant de notre point de vue un argument déconstructeur. Il est à signaler que dans le judaïsme une femme ayant ses règles peut et doit prier et jeûner, pareillement pour le christianisme. Aussi, alors même que l’Islam a beaucoup emprunté au judaïsme quant à la notion d’impureté et de ses champs d’application, les juristes musulmans ont été amené à légiférer l’interdiction faite aux femmes de prier et de jeûner, dépassant en cela le modèle de référence. Ceci provient du fait que les versets candidats retenus pour imposer au Coran le concept d’impureté, S5.V6 et S4.V43, ont pour sujet la prière et les ablutions, d’où la confusion générée et la quasi obligation de décréter l’interdiction de prier, et par extension encore de jeûner, afin de ne pas laisser apparaître la contradiction générée en ces versets en raison de l’interprétation soutenue par l’Islam.

c- Toucher et lire le Coran lors des menstrues. En toute religion la notion de pureté et son contraire sont liées à celle de sacralité et, même si en certains cas elle concerne les hommes et les femmes, comme après les rapports sexuels, il n’en demeure pas moins que le concept d’impureté rituelle affecte généralement plus le statut féminin, statut que les religions  s’accordent à démarquer et inférioriser vis-à-vis de celui de l’homme, seul habilité à gérer le sacré. Ainsi, les femmes n’avaient-elles pas le droit de toucher qui la Thora qui la Bible, décisions androcentriques qui permettaient d’une pierre trois coups : sacraliser les textes, inférioriser la femme, l’exclure de la fonction sacerdotale. Bien évidemment, le Coran ne peut reprendre et défendre ces affirmations et aucun verset ne stipule qu’il faille être en état de pureté rituelle pour lire ou toucher le Coran et, conséquemment, aucun état d’impureté qui l’interdirait. Il est pourtant régulièrement affirmé que les versets suivants sont un argument en faveur des croyances misogynes partagées par les religions : « Il s’agit, certes, d’une récitation magnanime issue d’un Livre bien gardé, ne le touchent que les Purifiés, c’est une révélation de ton Seigneur. », S56.V77-80. D’évidence, s’agissant du Livre principiel/umm al–kitâb, ici dit « Livre bien gardé/maknûn » et ailleurs une « Table préservée/law ma,[19] dont est issue la « récitation/qur’ân » de par « une révélation »,  les « Purifiés/al–mutahharûn » en question ne sont pas les Hommes mais des créatures d’un autre plan de réalité que l’Exégèse assimile sans preuve aux Anges. Curieusement, la traduction standard confirme tous ces points, mais ajoute en note que si « ce sont les Anges qui sont seuls autorisés à le toucher en se basant sur ce verset, le Musulman ne peut toucher la copie du Coran que s’il est en état de pureté »,  l’argument est aussi péremptoire qu’improbable !

d- La mosquée et les menstrues. En fonction de tout ce qui précède, il n’y aurait pas à préciser que rien n’interdit l’accès à la mosquée à une femme ayant ses règles, toute activité cultuelle ou rituelle lui étant par ailleurs autorisée. L’origine de cette exclusion est encore le judaïsme pour qui nul ne pénètre dans le Temple s’il est en état d’impureté[20] et cette interdiction fut étendue par la suite aux synagogues et,  par imitation, il en fut de même pour les églises dans le christianisme jusqu’à peu et, à leur suite, l’Islam ne manqua pas là l’occasion d’ostraciser et inférioriser les femmes. S’il y a bien une chose partagée par ces trois religions, c’est la misogynie patriarcale.

• Conclusion

L’analyse littérale des versets mis en jeu par l’Islam pour soutenir sa croyance foncière en l’état d’impureté et, juridiquement, celle d’impureté légale, aura montré que ces concepts ne sont pas coraniques. Selon le Coran, rien n’est impur, ni de principe ni de fait, rien  chez l’homme comme chez la femme n’est impur, il n’y a jamais d’état d’impureté, ni intrinsèque ni rituelle ni légale. En conséquence, le Coran n’a pas institué de processus de purification, mais a seulement édicté quelques règles simples relevant soit de la pureté spirituelle, soit de mesures d’hygiène. L’Islam, en sa volonté de ne pas suivre les chrétiens dans leur abandon théorique de la notion d’impureté rituelle au bénéfice de la notion d’impureté spirituelle a préféré s’inspirer directement de l’approche légaliste orthopraxique judaïque de l’impureté, point majeur dans la vie rituelle des juifs.[21] Ce faisant, elle a dévié l’objectif du Coran  consistant à réfuter les antiques croyances relatives à l’impureté, la pureté et le sacré, au profit des notions coraniques de propreté physique et de pureté spirituelle.

– Du point de vue conceptuel, nous avons donc démontré que les termes rijs/infamie et fisq/abomination employés en S6.V145 étaient sans rapport avec la notion d’impureté. Il ne servent pas non plus à qualifier lesdits aliments tabous, mais pour le premier le fait de transgresser ces tabous et pour le second d’immoler des bêtes aux divinités. Ceci vise donc des comportements humains que le Coran au sujet du khamr/vin met effectivement en lien avec l’« œuvre du Shaytân », S5.V90. Ce constat littéral indique donc que ces aliments ne sont pas tabouisés par le Coran du fait qu’ils seraient par nature impurs, mais uniquement de par une édiction divine. [22] Il n’y a donc aucune notion d’impureté en cette démarche.

– C’est au sujet du rituel des ablutions que l’Islam a le plus essentiellement modifié le sens du Coran. Ainsi, en S5.V6 et S4.V43 il a été imposé au terme junuban le sens d’impur alors que lexicalement il indique la fin d’un rapport sexuel. De même pour le verbe-clef iṭṭahharû à qui l’Islam a conféré le sens de se purifier alors même que le Coran lui donne comme synonyme ightasilû : lavez-vous ou  nettoyez-vous, S4.V43.

– En ces deux versets il est mentionné le fait de se nettoyer les parties génitales ou celles qui sont touchées par les excrétions sexuelles juste après les rapports. Il ne s’agit pas là de la purification d’une impureté, mais d’une simple mesure d’hygiène fort compréhensible. Il en ressort que le bain rituel/ghusl selon l’Islam n’a pas de fondement coranique, mais se réfère à la pratique judaïque du Mikvé.

– L’analyse littérale de S2.V222 en s’appuyant sur les avancées lexicales et exégétiques mises en avant aux versets précédemment cités a démontré que pour le Coran les menstrues ne sont en aucune manière une impureté, mais une simple gène physiologique. En cela le Coran récuse les croyances archaïques véhiculées et légiférées par le judaïsme, superstitions que l’Islam s’empressera pourtant de reprendre à son propre compte. Bien que du fait de nos certitudes et nos habitudes ce point puisse paraître choquant, le sang menstruel n’est pas impur, les règles ne sont pas un état d’impureté et, à fortiori, la femme n’est pas à ce moment impure.

– Il découle directement de ce constat littéral que selon le Coran tous les actes rituels sont permis pour la femme  menstruée, notamment le jeûne et la prière. Le hiatus entre le Coran et l’Islam est ici majeur, mais là encore le Coran est cohérent, car jamais en réalité il ne fait mention de ce genre d’interdiction, voire tabou, alors même qu’il traite de manière détaillée des rites du jeûne et de la prière.

– L’on soulignera toutefois une unique exception à ce point de vue coranique, mais ce sans qu’aucune notion d’impureté ne soit mise en jeu, puisqu’il a été précisé que l’on ne pouvait prier qu’après s’être nettoyé les parties souillées après un rapport sexuel que ce soit physiquement avec de l’eau ou de la terre. Stricto sensu cette limitation, qui concerne autant les hommes que les femmes, ne vaut que pour la prière et n’est pas indiquée pour toute autre pratique rituelle.

– Il n’y a donc aucune preuve coranique justifiant de ce qu’une femme ayant ses menstrues, ou d’une femme et d’un homme après des rapports, ne pourraient toucher le Coran ou séjourner dans une mosquée pour cause d’impureté.

Ainsi, le Coran réfute-t-il le concept d’impureté physique tout en mettant en lumière pour les croyants et les croyantes la recherche de la nécessaire pureté morale et spirituelle : « Dieu aime ceux qui se purifient/al–muahhirîn », S2.V222. Nonobstant, nous sommes parfaitement conscient des bouleversements qu’impliquent ces résultats littéraux, le changement de paradigme qu’ils supposent touche tout autant à la perception de soi qu’à notre conception du rituel et du sacré. En la démarche d’Islamité que sous-tend et soutient notre approche du Coran rien n’est imposé ni collectif, mais tout relève et dépend d’un parcours personnel. Il faut donc savoir raison garder et être prudent quant aux démarches de déconstruction, car déconstruire sans être en mesure de reconstruire revient à détruire. Comprendre la Parole de Dieu au-delà des paroles des hommes est un long chemin. Dieu, en sa Miséricorde, a voulu que cette Voie s’inscrive dans la durée, afin de nous habituer à l’effort et au retranchement,  car ce n’est qu’en la solitude que l’on connaît le Seul.

Dr al Ajamî

[1] Voir : 5– Le halâl selon le Coran et en Islam et 6– Le halal : l’abattage rituel selon le Coran et en Islam.

[2] Cf. « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme ; mais ce qui sort de la bouche, c’est ce qui souille l’homme »,  Matthieu ; XV, 11. « Mais ce qui sort de la bouche vient du cœur, et c’est ce qui souille l’homme », Matthieu ; XV, 18. Cependant, malgré cette position évangélique, l’Église a en pratique conservé la notion d’impureté et, par exemple, il fut jusque dans la moitié du 20e siècle maintenu le rituel dit des relevailles, lequel est directement repris des lois sur l’impureté du Lévitique.

[3] Extrait d’un célèbre hadîth rapporté par al Bukhârî.

[4] En effet, nous avons largement démontré que pour le Coran les hommes et les femmes sont égaux sur tous les plans : voir : Égalité homme femme selon le Coran et en Islam.

[5] S6.V145 :

 قُلْ لَا أَجِدُ فِي مَا أُوحِيَ إِلَيَّ مُحَرَّمًا عَلَى طَاعِمٍ يَطْعَمُهُ إِلَّا أَنْ يَكُونَ مَيْتَةً أَوْ دَمًا مَسْفُوحًا أَوْ لَحْمَ خِنْزِيرٍ فَإِنَّهُ رِجْسٌ أَوْ فِسْقًا أُهِلَّ لِغَيْرِ اللَّهِ بِهِ فَمَنِ اضْطُرَّ غَيْرَ بَاغٍ وَلَا عَادٍ فَإِنَّ رَبَّكَ غَفُورٌ رَحِيمٌ

[6] 2 – Le haram : les tabous selon le Coran et en Islam.

[7] S5.V90 : « يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آَمَنُوا إِنَّمَا الْخَمْرُ وَالْمَيْسِرُ وَالْأَنْصَابُ وَالْأَزْلَامُ رِجْسٌ مِنْ عَمَلِ الشَّيْطَانِ فَاجْتَنِبُوهُ لَعَلَّكُمْ تُفْلِحُونَ »

[8] S5.V6 :

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آَمَنُوا إِذَا قُمْتُمْ إِلَى الصَّلَاةِ فَاغْسِلُوا وُجُوهَكُمْ وَأَيْدِيَكُمْ إِلَى الْمَرَافِقِ وَامْسَحُوا بِرُءُوسِكُمْ وَأَرْجُلَكُمْ إِلَى الْكَعْبَيْنِ وَإِنْ كُنْتُمْ جُنُبًا فَاطَّهَّرُوا وَإِنْ كُنْتُمْ مَرْضَى أَوْ عَلَى سَفَرٍ أَوْ جَاءَ أَحَدٌ مِنْكُمْ مِنَ الْغَائِطِ أَوْ لَامَسْتُمُ النِّسَاءَ فَلَمْ تَجِدُوا مَاءً فَتَيَمَّمُوا صَعِيدًا طَيِّبًا فَامْسَحُوا بِوُجُوهِكُمْ وَأَيْدِيكُمْ مِنْهُ مَا يُرِيدُ اللَّهُ لِيَجْعَلَ عَلَيْكُمْ مِنْ حَرَجٍ وَلَكِنْ يُرِيدُ لِيُطَهِّرَكُمْ وَلِيُتِمَّ نِعْمَتَهُ عَلَيْكُمْ لَعَلَّكُمْ تَشْكُرُونَ

[9] Cf. Le Coran, essai de traduction, Maurice Gloton.

[10] Voir par exemple S3.V191 ; S4.V36 ; S19.V52 ; S39.V17.

[11] La manipulation terminologique du terme junub peut-être aussi vérifiée par le fait que les lexiques donnent à ce terme le sens de impureté par écoulement du sperme, alors que le Coran s’adresse en ce verset tant aux hommes qu’aux femmes. Ainsi, si junub avait eu quelque chance de pourvoir qualifier quelque chose d’impur il aurait fallu que ce soit les secrétions sexuelles tant masculines que féminines ! La position phallocrate dominante trahit donc à cette occasion une intervention directe de la part des hommes sur le lexique en fonction de leur conception de la sexualité.

[12] S4.V43 :

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آَمَنُوا لَا تَقْرَبُوا الصَّلَاةَ وَأَنْتُمْ سُكَارَى حَتَّى تَعْلَمُوا مَا تَقُولُونَ وَلَا جُنُبًا إِلَّا عَابِرِي سَبِيلٍ حَتَّى تَغْتَسِلُوا وَإِنْ كُنْتُمْ مَرْضَى أَوْ عَلَى سَفَرٍ أَوْ جَاءَ أَحَدٌ مِنْكُمْ مِنَ الْغَائِطِ أَوْ لَامَسْتُمُ النِّسَاءَ فَلَمْ تَجِدُوا مَاءً فَتَيَمَّمُوا صَعِيدًا طَيِّبًا فَامْسَحُوا بِوُجُوهِكُمْ وَأَيْدِيكُمْ إِنَّ اللَّهَ كَانَ عَفُوًّا غَفُورًا

Nous avons analysé la première phrase de ce verset en l’article L’interdiction du vin/khamr et des boissons alcoolisées selon le Coran et en Islam.

[13] Sur la différence entre le champ d’application du tayammum entre le Coran et l’Islam, voir : Les ablutions selon le Coran et en Islam.

[14] Étymologiquement et lexicalement  le terme ghâ’iṭ désigne le lieu où l’on fait ses besoins et, par métonymie, les excréments, ce qui signifie que ne sont pas ainsi englobées les urines, contrairement à ce que l’Islam statue.

[15] Citons la Thora : « Si une femme a couché avec un homme et a eu commerce avec lui, elle se baignera dans l’eau ainsi que lui, et ils seront impurs jusqu’au soir. » , Lévitique, XV, 18. Ce verset justifie la pratique du Mikvé, bassin d’eau courante dans lequel l’on s’immerge entièrement afin de se purifier. La pratique du ghusl ou bain rituel, de tout le corps en est une adaptation, de même le baptême par immersion dans le christianisme est inspiré de cette pratique rituelle de purification, institution majeure dans le judaïsme.

[16] C’est-à-dire à la fin des règles, ce qui se déduit du fait qu’il a été auparavant interdit les rapports durant les règles.

[17] Le segment introductif « Ils t’interrogent quant aux règles » indique qu’il y a eu à Médine un débat entre les primo-musulmans arabes et leurs habitudes en la matière et les juifs qui religieusement interdisaient cette pratique. L’on peut aussi supposer à peu de frais que le débat dut être alimenté par la position chrétienne plus laxiste.

[18] L’impureté fonctionne donc comme un renforcement à contrario du sacré, et c’est bien là l’origine de l’interdiction faite aux femmes ayant leurs règles d’accomplir les circumambulations autour de la Kaaba, lieu le plus sacré en Islam.

[19] Le propos explicite des vs21-22 est du point de vue terminologique quasi équivalent à celui de nos versets ce qui permet d’établir un lien d’intratextualité de manière sûre confirmant le sens plus allusif de nos versets référents.

[20] Cf. Mishna Kélim : I, 8.

[21] Ces emprunts au judaïsme sont une constante en Islam avec, en général, une légère atténuation de la rigueur orthopraxique de la Loi juive, la halakha. C’est ici le cas, et il suffit pour s’en convaincre de lire ce passage que les doctes rabbins ont inscrit noir sur blanc dans la Thora: « Quand une femme aura un flux, un flux de sang dans sa chair, elle sera sept jours dans son impureté. Quiconque la touchera sera impur jusqu’au soir. Tout meuble sur lequel elle se couchera pendant son impureté sera impur, et tout objet sur lequel elle s’assiéra sera impur. Quiconque touchera son lit lavera ses vêtements, se baignera dans l’eau et sera impur jusqu’au soir. Quiconque touchera un objet sur lequel elle se sera assise, lavera ses vêtements, se baignera dans l’eau et sera impur jusqu’au soir. S’il y a une chose sur son lit ou sur lequel elle se sera assise, celui qui le touchera sera impur jusqu’au soir. Si un homme couche avec elle et que l’impureté de la femme vienne sur lui, il sera impur pendant sept jours, et tout lit sur lequel il couchera sera impur. », Lévitique, XV ; 19-24.

[22] Sur ce point, voir : 2 – Le haram : les tabous selon le Coran et en Islam ;  al–muḥarramât ; S6.V145.