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Les Trésors de Sourate al–kahf : La Caverne (épisode 18)

Épisode 18 : Conclusion ; vs109-110

 

Nous voici donc parvenus au terme de cette sourate : sa conclusion, laquelle correspond aux deux derniers versets : vs109-110.

Voici donc un extrait de notre Exégèse Littérale du Coran[1] quant à ce Chapitre II. Le texte de ce passage en est donné selon notre Traduction Littérale du Coran[2] parue en 2024 :

Conclusion

  1. Dis : Si l’Océan était d’encre pour les décrets de mon Seigneur, l’Océan s’assécherait avant que ne tarissent les décrets de mon Seigneur ! – et ce quand bien même apporterions-Nous en appui l’équivalent.
  2. Dis : Je ne suis qu’un être humain comme vous, il m’est fait révélation que votre Dieu est un Dieu Un. Ainsi, qui aspire à la Rencontre de son Seigneur fasse donc œuvre intègre et qu’en l’adoration de son Seigneur il n’associe nul autre, aucunement.

قُلْ لَوْ كَانَ الْبَحْرُ مِدَادًا لِكَلِمَاتِ رَبِّي لَنَفِدَ الْبَحْرُ قَبْلَ أَنْ تَنْفَدَ كَلِمَاتُ رَبِّي وَلَوْ جِئْنَا بِمِثْلِهِ مَدَدًا (109) قُلْ إِنَّمَا أَنَا بَشَرٌ مِثْلُكُمْ يُوحَى إِلَيَّ أَنَّمَا إِلَهُكُمْ إِلَهٌ وَاحِدٌ فَمَنْ كَانَ يَرْجُوا لِقَاءَ رَبِّهِ فَلْيَعْمَلْ عَمَلًا صَالِحًا وَلَا يُشْرِكْ بِعِبَادَةِ رَبِّهِ أَحَدًا (110)

– « Dis : Si l’Océan était d’encre pour les décrets de mon Seigneur, l’Océan s’assécherait avant que ne tarissent les décrets de mon Seigneur ! – et ce quand bien même apporterions-Nous en appui l’équivalent. [110] Dis : Je ne suis qu’un être humain comme vous, il m’est fait révélation que votre Dieu est un Dieu Un. Ainsi, qui aspire à la Rencontre de son Seigneur fasse donc œuvre intègre et qu’en l’adoration de son Seigneur il n’associe nul autre, aucunement. », vs109-110.

Ces deux derniers versets constituent manifestement la conclusion de la Sourate 18. En fonction des règles structurelles régissant la composition des sourates coraniques, les versets conclusifs remettent en perspective le thème qui y est développé par la sourate, en l’occurrence pour la Sourate 18 : apparences et réalités. L’on note ainsi que les deux versets débutent par un « dis/qul » dont le propos énoncé s’adresse en première intention aux idolâtres polythéistes mecquois puisque cette sourate leur était en premier lieu destinée ; nous l’avons explicité aux vs1-3 en constituant l’introduction.

– Le mot de la fin est donc à la fois en lien avec la thématique et sa portée théologique : le monothéisme versus l’idolâtrie, v110. Il en découle que le v109 doit être compris en fonction du thème : apparences et réalités et qu’il reprend ici la signification du v1. L’on peut ainsi écarter d’emblée certains sens du pluriel kalimāt, à savoir : paroles, propos, qui auraient alors simplement fait référence à ce qui vient d’être raconté dans la sourate. En ce cas, nous devrions lire : « si la mer était une encre [pour écrire] les paroles de mon Seigneur, certes la mer s’épuiserait avant que ne soient épuisées les paroles de mon Seigneur… », traduction standard en sa conformité aveugle en l’Exégèse standardisée. Or, si tel était le cas, Dieu se définirait donc Lui-même comme un conteur logorrhéique infatigable et inépuisable ! Le terme kalimāt est un des pluriels de kalima ayant pour signification : mot, parole, poème, propos. Ainsi, en S2.V37 le pluriel kalimāt signifie paroles, il s’agit des paroles adressées par Dieu à Adam. En S2.V124 ; S6.V115 ; S10.V64 ; S66.V12, le pluriel kalimāt signifie propos, c.-à-d. l’intention de ce qui est dit par Dieu. En S6.V34 ; S7.V158 ; S8.V7 ; S10.V82 ; S18.27 ; S42.V24, le pluriel kalimāt vaut pour arrêtés. Cette signification est apportée par le Coran et elle désigne les interventions de Dieu en notre réalité lesquelles relèvent du qadar, c.-à-d. la manifestation de la Toute-puissance de Dieu intervenant dans l’ordre de Sa création quand Il veut et comme Il veut. Cette irruption de la volonté de Dieu en notre réalité est à distinguer de la manifestation de Sa Toute-puissance par laquelle Il a créé les Mondes qui, elle, est exprimée par le concept de al–qaḍā ou prédétermination, et le pluriel kalimāt vaut en ce cas pour décrets ; cf. : Destin et Libre arbitre selon le Coran et en Islam. Telle est sa traduction dans notre v109 ainsi qu’en S31.V27 de même portée : « Or, tous les arbres de la terre seraient-ils calames et l’Océan de plus grossi de l’encre de sept mers que n’en seraient point taris les décrets de Dieu ; Dieu, certes, est Tout-puissant, infiniment Sage. »

– De fait, si nous revenons au contexte global de notre Sourate 18 et à la reprise thématique apportée en cette conclusion, l’on constate au sujet des divers récits dont les faits originaux sont ici rappelés avant leur interprétation par les Hommes au fil du temps que plusieurs arrêtés ont été mis en œuvre par Dieu. Aussi, devons-nous comprendre que l’évocation des « décrets de mon Seigneur » au v109 a pour but d’indiquer à l’esprit idolâtre arabe que si Dieu est capable d’avoir prédéterminé le monde en lequel nous vivons, c.-à-d. les paramètres et les constantes qui l’ont généré, alors a fortiori Dieu peut y intervenir. Ce sont ces interventions divines qui sont aussi qualifiées d’arrêtés/kalimāt. Par arrêté il faut entendre toute décision exécutoire prise par Dieu en tant qu’Autorité suprême de et en Sa Création. Cette résolution divine est donc irrévocable et irréversible. Il en est ainsi du “coma” des « Compagnons de la caverne », de leur réveil au moment où ils sont découverts par leurs persécuteurs, du fait qu’ils sont démasqués puis probablement mis à mort, tout cela procède d’interventions divines en notre réalité, des arrêtés relevant du qadar. De même, s’agissant de la parabole des « deux hommes » et des « deux jardins » de l’un d’eux, il est fait référence au fait qu’à tout moment des arrêtés de Dieu peuvent anéantir leur luxuriance. Quant aux « Cités », leur destruction aurait pu être neutralisée par un arrêté de Dieu. Pareillement, les trois actes incongrus commis par l’Ange sous les yeux de « Moïse » sont tributaires des arrêtés de Dieu, l’Ange étant en ce cas précis l’intervenant divin. Enfin, les trois comportements de « Moïse/Dhūl–l–Qarnayn » indiquent qu’ayant acquis par l’initiation précédente la compréhension juste de la réalité, c.-à-d. non-interprétative, ceci lui permet de saisir avec acuité et véracité la « signification première/ta’wīl » des interventions de Dieu promulguées en notre monde par Ses arrêtés.

– Ceci étant, le v109 apporte donc une dimension supérieure à la question des apparences dont l’interprétation éloigne de la compréhension de leur réalité : les décrets/kalimāt de Dieu en notre réalité sont potentiellement incalculables, car « l’Océan s’assécherait avant que ne tarissent les décrets de mon Seigneur ». La Toute-puissance de Dieu s’exprime en tant que principe premier par le qaḍā/prédétermination des facteurs ayant généré la Création et continuant à en maintenir l’existence, cet aspect de Sa Toute-puissance reflète donc Sa Transcendance absolue. Par contre, lorsque Sa Toute-puissance se traduit par Ses interventions en la Création, Ses arrêtés/kalimāt, lesquels relevant du qadar matérialisent Son Immanence qui elle est infinie, car d’essence divine. Bien que l’Homme au sein de la Création de Dieu bénéficie du libre arbitre et dirige sa vie, il a donc en permanence à tenir compte des paramètres extérieurs découlant du qaḍā, les « les décrets/kalimāt », mais il peut aussi pleinement espérer du qadar de Dieu, les arrêtés/kalimāt » divins. Ceci a deux conséquences : être en mesure de saisir au mieux « la signification première/ta’wīl », v78, des évènements en apprenant à ne pas les interpréter indûment, car ce n’est là que conjectures. Le deuxième point est indiqué par le v110 : la Toute-puissance transcendante de Dieu et son Immanence infinie rappellent à celui qui sait saisir la réalité derrière les apparences qu’il n’y a qu’un seul Dieu, Lui. C’est sur Lui seul que le croyant peut toujours prendre appui sans jamais désespérer de son soutien immanent, ce qui en première intention est ici rappelé aux idolâtres : « Dis : Je ne suis qu’un être humain comme vous, il m’est fait révélation que votre Dieu est un Dieu Un », v110.

– Ce rappel conclusif est aussi en lien avec les vs2-3 de l’Introduction où il est dit de la reconnaissance du Dieu révélant « le Texte/le Coran », v1, qu’en continuité de la bienveillance absolue et immanente de Dieu le croyant véritable et sincère est celui « qui aspire à la Rencontre de son Seigneur fasse donc œuvre intègre », v110. En faveur de cet engagement à l’image de l’Engagement de Dieu il est fait « bonne annonce aux croyants qui œuvrent en bien : ils auront beau Présent, pour toujours s’y reposant », vs2-3.

– Nous ajouterons qu’il apparaît dès lors totalement hors sujet de supposer, interpréter, le v109 comme étant l’indice de l’infinité des sens du Coran sur laquelle ses pseudo-laudateurs s’émerveillent. En réalité, ce n’est là que la volonté des interprétateurs, les anciens comme les modernes, qui à contre-Coran prônent l’interprétation permanente, si ce n’est infinie, au lieu de la recherche de la « signification première/ta’wīl », sens limité et fini. En cela, ils sont fidèles à leur mésinterprétation volontaire de S3.V7, ce n’est donc point la recherche de la réalité du texte révélé qui les intéresse, mais la poursuite des apparences qu’ils produisent eux-mêmes et, en la matière, l’imagination interprétative des Hommes est effectivement infinie. Sur ce sujet capital du point de vue exégétique, voir : De l’Interprétation infinie du Coran.

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Dr al Ajamî

[1] Pour notre Exégèse Littérale du Coran, cf. https://www.alajami.fr/ouvrages/

[2] Pour notre Traduction littérale du Coran, cf. https://www.alajami.fr/produit/le-coran-le-message-a-lorigine/

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