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Les Trésors de Sourate al–kahf : La Caverne (épisode 10)

Épisode 10 : Du Paradigme des Cités ; vs55-59

 

Après avoir évoqué au chapitre précédent la Parabole des deux existences, la progression thématique se poursuit au présent Chapitre II que nous avons intitulé : Paradigme des Cités, puisque tel est son abord thématique.

L’Exégèse a éprouvé des difficultés à comprendre le propos de ce chapitre qui, effectivement, lorsqu’il est coupé de son contexte d’insertion ne fait pas sens de manière évidente, la multiplicité des traductions proposées en témoigne. Or, structurellement, ce chapitre prolonge la thématique de cette Partie II : de la réalité et de la Réalité, le différentiel entre les deux étant abordé sous l’angle téléologique de la Finalité comme cela est explicite pour le chapitre I. Le Chapitre II propose alors « s’agissant de ces Cités », v59, une synthèse du récit des Cités selon une théologie de leurs finalités.

Voici donc un extrait de notre Exégèse Littérale du Coran[1] quant à ce Chapitre II. Le texte de ce passage en est donné selon notre Traduction Littérale du Coran[2] parue en 2024 :

Chap. II : Paradigme des Cités

  • 1. Préambule
  1. Les Hommes n’étaient point empêchés de croire ni d’implorer le pardon de leur Seigneur lorsque leur parvenait la Guidée sans toutefois que le sort des Anciens ne leur advint ou que le tourment ne leur vint frontalement.
  • 2. Rappel quant aux finalités
  1. Or, Nous ne dépêchons les envoyés qu’en tant que porteurs d’une bonne nouvelle et porteurs d’un avertissement, mais les dénégateurs alléguèrent le faux pour infirmer ainsi la Vérité; ils envisagèrent Nos Signes et ce dont ils avaient été avertis, moqueusement.
  2. Cependant, qui fut plus inique que celui à qui furent rappelés les signes de son Seigneur et qui s’en détourna en oubliant ce qu’avaient accompli ses propres mains ! Vraiment, Nous plaçâmes sur leurs esprits d’épais voiles, car ils ne le comprenaient pas intelligemment et étaient durs d’oreille. Quand bien même les aurais-tu appelés à la Guidée que jamais ils ne se seraient guidés conséquemment.
  3. Néanmoins, ton Seigneur est le Tout Pardon, le Maître de la Miséricorde, s’Il devait les reprendre pour ce qu’ils se sont acquis, Il ferait venir plus tôt le Tourment… mais ils ont un moment de rendez-vous contre lequel ils ne trouveront aucun lieu d’échappement.
  4. – S’agissant de ces Cités, lorsqu’ils furent iniques, Nous les laissâmes périr et prîmes acte du moment de leur anéantissement.

وَمَا مَنَعَ النَّاسَ أَنْ يُؤْمِنُوا إِذْ جَاءَهُمُ الْهُدَى وَيَسْتَغْفِرُوا رَبَّهُمْ إِلَّا أَنْ تَأْتِيَهُمْ سُنَّةُ الْأَوَّلِينَ أَوْ يَأْتِيَهُمُ الْعَذَابُ قُبُلًا (55) وَمَا نُرْسِلُ الْمُرْسَلِينَ إِلَّا مُبَشِّرِينَ وَمُنْذِرِينَ وَيُجَادِلُ الَّذِينَ كَفَرُوا بِالْبَاطِلِ لِيُدْحِضُوا بِهِ الْحَقَّ وَاتَّخَذُوا آَيَاتِي وَمَا أُنْذِرُوا هُزُوًا (56) وَمَنْ أَظْلَمُ مِمَّنْ ذُكِّرَ بِآَيَاتِ رَبِّهِ فَأَعْرَضَ عَنْهَا وَنَسِيَ مَا قَدَّمَتْ يَدَاهُ إِنَّا جَعَلْنَا عَلَى قُلُوبِهِمْ أَكِنَّةً أَنْ يَفْقَهُوهُ وَفِي آَذَانِهِمْ وَقْرًا وَإِنْ تَدْعُهُمْ إِلَى الْهُدَى فَلَنْ يَهْتَدُوا إِذًا أَبَدًا (57) وَرَبُّكَ الْغَفُورُ ذُو الرَّحْمَةِ لَوْ يُؤَاخِذُهُمْ بِمَا كَسَبُوا لَعَجَّلَ لَهُمُ الْعَذَابَ بَلْ لَهُمْ مَوْعِدٌ لَنْ يَجِدُوا مِنْ دُونِهِ مَوْئِلًا (58) وَتِلْكَ الْقُرَى أَهْلَكْنَاهُمْ لَمَّا ظَلَمُوا وَجَعَلْنَا لِمَهْلِكِهِمْ مَوْعِدًا (59)

*****

– « Les Hommes n’étaient point empêchés de croire ni d’implorer le pardon de leur Seigneur lorsque leur parvenait la Guidée sans toutefois que le sort des Anciens ne leur advint ou que le tourment ne leur vint frontalement. », v55.

Ce verset rappelle donc que les peuples des Cités bien qu’avertis d’un châtiment imminant ne crurent pas à l’avertissement donné par leurs « envoyés/mursalīn » respectifs, v56. Si même en ces conditions l’Homme est capable de refuser la « Guidée » de Dieu, alors, a fortiori, il n’y a rien de surprenant à ce qu’il s’y oppose aussi dans des contextes moins menaçants. Ceci explique que la particule mā ne soit pas ici un pronom interrogatif, mais marque la négation, d’où : « les Hommes n’étaient point empêchés/mā mana‘a an–nāsa de croire », car « l’Homme, plus que tout, est en dispute véhément », v54. Cette tendance intrinsèque à l’être humain explique que « les dénégateurs [dans le cas des cités, mais aussi de manière générale] alléguèrent le faux pour infirmer ainsi la Vérité », v56. La « Vérité » est ici le message délivré par leurs prophètes-messagers les prévenant qu’une catastrophe naturelle imminente les menaçait, message selon lequel Dieu leur proposait d’en arrêter le déroulement à condition qu’ils se réforment et redressent leurs croyances déviantes et leurs comportements déviés, c.-à-d. : « ce qu’avaient accompli ses propres mains », v57. De fait, notre analyse littérale a mis en évidence que Dieu n’avait pas détruit ces Cités à cause de leur désobéissance, mais qu’Il avait seulement laissé s’accomplir le cataclysme qui les menaçait, ceci non sans leur avoir proposé de les sauver. Ces destructions ne sont donc que le résultat de leur égarement et de leur entêtement, ex. « Il en est ainsi, car ton Seigneur n’est point à laisser périr par iniquité les Cités tant que leurs habitants sont inavertis », S6.V131. Conceptuellement, nous qualifions ce paradigme de Théologie de la Miséricorde ; cf. notamment S7.V94 ; S3.V145 ; S11.V117.

– Par « quand bien même les aurais-tu appelés à la Guidée », v57, il est établi un parallèle avec la mission du Prophète à l’égard de son peuple idolâtre. Non pas que le Prophète les menace d’un anéantissement comparable à ceux qui détruisirent lesdites cités, mais qu’il met en avant que son peuple, à l’instar de ces peuples antérieurs, a la même attitude de déni quant au Message de Dieu qui leur apporte : le Coran. Par ailleurs, la finale du v57 est ainsi comprise et traduite par « même si tu les appelles vers la bonne voie, jamais ils ne pourront donc se guider », traduction standard. Ceci supposerait que ceux dont il est question précédemment étaient les contemporains les plus obtus du Prophète. Or nous venons de montrer qu’en réalité il s’agit des peuples des Cités. Il nous faut donc comprendre le propos comme suit : [de manière rhétorique] même si toi Muhammad avait été là pour leur délivrer Mon message [le Coran] que ces gens [des Cités] ne l’auraient pas suivi, ce qui montre le degré de leur égarement et de leur entêtement, d’où alors notre traduction « quand bien même les aurais-tu appelés à la Guidée que jamais ils ne se seraient guidés conséquemment », v57. Ces peuples qui ont été les artisans de leur destruction représentent donc bien le paradigme parfait de celui qui s’attache aux apparences sans en percevoir la Finalité théologique.

– « Vraiment, Nous plaçâmes sur leurs esprits d’épais voiles, car ils ne le comprenaient pas intelligemment et étaient durs d’oreille », v57.

Comme explicité au v28, ce n’est point Dieu qui voile les esprits de ceux à qui Il s’adresse et nous en trouvons une preuve directe en S41.V5 : « Ils disent : Nos esprits sont en d’épais voiles quant à ce à quoi tu nous appelles, nous sommes durs d’oreille et entre nous et toi est placé un écran. Agis donc, certes nous allons agir ». Si Dieu voilait les « esprits/qulūb », la contradiction serait manifeste. Il nous faut donc comprendre que cet aveuglement de l’esprit, tant la raison que la spiritualité, n’est que la conséquence du déni de ceux qui refusent le Message de Dieu. C’est à ce message qu’il est fait référence en « ils ne le comprenaient pas intelligemment/faqaha ».

– « S’agissant de ces Cités/al–qurā, lorsqu’ils furent iniques, Nous les laissâmes périr et prîmes acte du moment de leur anéantissement. », v59.

– Notre mise en retrait le signale, il s’agit de la quatrième conclusion marquant comme précédemment la fin d’un chapitre ou d’une partie, ici les deux. En fonction de la Théologie de la Miséricorde évoquée ci-dessus au sujet précisément des Cités, il est incorrect de comprendre et traduire ce verset comme suit : « Et voilà les villes que Nous avons fait périr quand leurs peuples commirent des injustices et Nous avons fixé un rendez-vous pour leur destruction [sic.] », traduction standard selon l’Exégèse standardisée.

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Dr al Ajamî

[1] Pour notre Exégèse Littérale du Coran, cf. https://www.alajami.fr/ouvrages/

[2] Pour notre Traduction littérale du Coran, cf. https://www.alajami.fr/produit/le-coran-le-message-a-lorigine/

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