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Les Trésors de Sourate al–kahf : La Caverne (épisode 3)

Épisode 3 : Apparences et réalité ; vs1-3

 

– Une des avancées de notre Exégèse Littérale du Coran est d’avoir mis en évidence que chacune des sourates dont le texte est suffisamment ample, jusqu’à la Sourate 90 incluse, comprend une Introduction constituée par ses premiers versets. Or, le but de ces introductions est de fournir le thème qui est spécifique à chaque Sourate. Ceci explique qu’en notre Traduction littérale du Coran le thème soit indiqué juste en dessous du titre. Cette notion de thème est fondamentale puisque toute sourate en est conçue comme le développement. Le thème d’une sourate en fournit donc le fil conducteur, la clef majeure de compréhension, celui de la Sourate 18 est : Apparences et réalité.

Voici donc un extrait de notre Exégèse Littérale du Coran[1] quant à ce Chapitre II. Le texte de ce passage en est donné selon notre Traduction Littérale du Coran[2] parue en 2024 :

Introduction

  1. La Louange est à Dieu, Lui qui a révélé à Son Serviteur le Texte et qui n’y a point institué d’ambiguïté, aucunement,
  2. parfaitement droit afin qu’il avertisse d’une rigueur inflexible de Sa part et fasse bonne annonce aux croyants qui œuvrent en bien : ils auront beau Présent,
  3. pour toujours s’y reposant.

الْحَمْدُ لِلَّهِ الَّذِي أَنْزَلَ عَلَى عَبْدِهِ الْكِتَابَ وَلَمْ يَجْعَلْ لَهُ عِوَجًا (1) قَيِّمًا لِيُنْذِرَ بَأْسًا شَدِيدًا مِنْ لَدُنْهُ وَيُبَشِّرَ الْمُؤْمِنِينَ الَّذِينَ يَعْمَلُونَ الصَّالِحَاتِ أَنَّ لَهُمْ أَجْرًا حَسَنًا (2) مَاكِثِينَ فِيهِ أَبَدًا (3)

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– « La Louange est à Dieu, Lui qui a révélé à Son Serviteur le Texte et qui n’y a point institué d’ambiguïté, aucunement », v1.

Par « la Louange est à Dieu » il ne s’agit pas ici de remercier Dieu, mais de rappeler que la création même des Cieux et de la Terre génère la Louange universelle : al–ḥamd qui, en ce sens, est tout autant la Louange venant de Dieu que la Louange revenant à Dieu, sur ce point cf. la Fâtiha, v2. Ce verset présente la particularité d’envisager le thème de la sourate : apparences et réalité selon une approche assimilable à la théorie sémio-herméneutique, cf. notre article méthodologique : Les trois intentions.[3]

– En effet, les intentions des trois “acteurs” en question réalisant la signification d’un texte sont présentement mises en jeu.

– Premièrement : ce que l’on nomme l’intention de l’auteur, ici Dieu : « Lui qui a révélé » le « Texte/al–kitāb » qualifié de « parfaitement droit », v2. Il est donc postulé que le Texte révélé est en parfaite adéquation avec l’intention de l’Auteur.

– Deuxièmement :  ce que l’on nomme l’intention du texte, c.-à-d. le texte tel qu’il se donne à lire en conformité avec l’intention de l’auteur. Son intelligibilité dépend de la rigueur de l’énoncé, ainsi en fonction de sa qualité de rédaction il se peut qu’un texte en dise plus, ou moins, que ce que l’auteur voulait signifier. En ce qui concerne le Coran, « le Texte/al–kitāb »[4], Dieu précise que Son texte est sans « ambiguïté/‘iwaj ». Le terme ‘iwaj signifie tortuosité, ce qui techniquement est compris comme indiquant que « le Texte » est non-équivoque, c.-à-d. univoque, sans ambiguïté. Autrement dit, l’intention du texte est parfaitement assimilable à l’intention de l’Auteur. Il s’agit là de l’univocité du Coran, deuxième des postulats coraniques fondant notre Analyse Littérale du Coran.[5]

– Troisièmement, l’intention du lecteur, elle se devine en creux de l’indication : « et qui [Dieu] n’y a point institué d’ambiguïté ». Le texte étant univoque, ceci implique qu’au moment même de la lecture du Texte si le lecteur déduit une signification qui n’est pas celle de l’énoncé, elle-même fidèle à l’intention de l’Auteur, c’est qu’il s’agit alors d’une interprétation due au seul lecteur. Les interprétations et les surinterprétations ne relèvent donc que de l’intention du lecteur.

– C’est par le biais de cette introduction que le thème de la sourate est abordé, à savoir que nos interprétations sont responsables de la différence entre les apparences et leurs réalités. Si le sens réel de ce qui est apparent nous échappe, c’est que croyant le comprendre, nous l’interprétons, et la question de l’herméneutique de notre être au Monde est ici centrale. Ainsi, la Partie I, vs4-44, est consacrée aux apparences et à la réalité des faits dont nous nous écartons par nos spéculations interprétatives, le récit des Compagnons de la caverne illustre parfaitement cela. La Partie II, vs45-59, quant à elle traite de l’aspect de notre monde en regard de la Réalité de l’Autre. La Partie III, v60-98, reprend le thème de la Partie I sous un angle purement herméneutique et enseigne que notre compréhension des apparences est le plus souvent erronée du fait de notre interprétation et qu’ainsi la signification réelle ou première, le ta’wīl des faits apparents nous échappe, v78 et v82, puisqu’une interprétation n’est pas la recherche des causes, mais des conséquences, les deux récits de Moïse en sont le modèle exemplatif.

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Dr al Ajamî

[1] Pour notre Exégèse Littérale du Coran, cf. https://www.alajami.fr/ouvrages/

[2] Pour notre Traduction littérale du Coran, cf. https://www.alajami.fr/produit/le-coran-le-message-a-lorigine/

3] Cf. la théorie des trois intentions et le Sens littéral : https://www.alajami.fr/2020/07/03/la-theorie-des-trois-intentions-et-le-texte-coranique/

[4] S’agissant du Coran, pour « le Texte » mis pour al– kitāb, voir au Volume 1 de notre exégèse littérale à S2.V2.

[5] Sur ce point méthodologique, cf. Les cinq postulats coraniques du Sens littéral : https://www.alajami.fr/2018/01/22/les-cinq-postulats-coraniques-du-sens-litteral/#:~:text=Nous%20nommons%20donc%20ces%20crit%C3%A8res,que%20l’on%20doive%20interpr%C3%A9ter.